ENVIRONNEMENTEPR finlandais: comment a-t-il pu prendre 4 ans de retard?

EPR finlandais: comment a-t-il pu prendre 4 ans de retard?

ENVIRONNEMENTAreva a annoncé un nouveau délai lundi. Décryptage...
O.R. avec agence

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Le réacteur de troisième génération, présenté comme le futur du nucléaire, est actuellement en construction en Finlande, à Olkiluoto et dans la Manche, à Flamanville. Ces deux chantiers ont pris un retard important. L’EPR d’Olkiluoto, mené par Areva, devrait ainsi démarrer avec près de 4 ans de retard. Lundi, le groupe français a en effet annoncé un nouveau délai de six mois.

Qu’était-il prévu initialement?
La construction de l’EPR d’Olkikuoto a débuté en septembre 2005. Le réacteur aurait dû être terminé en avril 2009, il y a plus d’un an. Mais la fin des travaux a été reportée à au moins quatre reprises.

Comment expliquer de tels retards?
Les délais de construction exagérément optimistes fixés pour la construction des réacteurs nucléaires de troisième génération EPR à Olkiluoto et à Flamanville dans la Manche expliquent en grande partie les retards pris par ces deux chantiers.

Si les retards annoncés se confirment, les deux prototypes seraient donc construits en 7 ans environ. Or, il a fallu en moyenne six ans et onze mois pour construire les 59 réacteurs nucléaires français (y compris Phénix arrêté fin 2009) entre les années 1970 et 1990. Rien de bien surprenant donc.

Loin de prendre en compte ces précédents historiques, Areva et EDF ont donc fixé des délais très ambitieux pour la construction de leur dernier modèle de réacteur, qui présente pourtant de multiples innovations par rapport à ses prédécesseurs. Pour Yannick Rousselet, responsable de la campagne nucléaire chez Greenpeace France, «on avait en tête l’héritage d’un mythe du nucléaire français, on se disait «on est les meilleurs du monde», mais c’est un mythe».

Et Areva dans tout cela?
Le responsable de Greenpeace considère que l’entreprise française «a voulu s’improviser maître d’œuvre, alors que ce n’est pas son métier. Le génie civil c’est un métier». Il critique également les délais définis au début de la construction: «on imagine que construire un EPR c’est plus simple. Or, c’est faux! C’est un réacteur de deuxième génération, avec des complications», explique-t-il.

«Les délais étaient très, voire trop, optimistes», confirme un expert du secteur sous couvert de l'anonymat. «Il y a eu sans doute un enthousiasme exagéré», abonde Claude Gatignol, coprésident (UMP) du groupe d'étude énergies à l'Assemblée nationale. Un enthousiasme et la volonté de réduire les coûts: en rallongeant la durée de construction, l’EPR finlandais est passé de 3 à 5,3 milliards d’euros.

Comment cela se passe entre les entreprises?
Areva et l’entreprise finlandaise TVO se renvoient régulièrement la balle sur la responsabilité des retards. Le groupe français accuse son client de ne pas valider assez rapidement les documents permettant l'avancée des travaux, tandis que TVO critique le manque de préparation d'Areva pour construire ce réacteur plus puissant et censé être plus sûr que les modèles précédents.

«TVO continue de coopérer avec le fournisseur (...). Toutefois, nous ne transigerons sur aucune exigence de sécurité ou de qualité», a affirmé son PDG, Jarmo Tanhua.

Quelles conséquences pour Areva?
Le concepteur de l’EPR finlandais pourrait voir ses comptes à nouveau plombés par les surcoûts de ce chantier.

Les retards accumulés sur le chantier ont déjà amené Areva à enregistrer pour 2,3 milliards d'euros de provisions alors que le coût de l'EPR était initialement évalué à 3 mds d'euros.

Ce nouveau retard de six mois «va entraîner des surcoûts, c'est inévitable», a estimé un analyste financier parisien, sous couvert d'anonymat. «Cela coûte entre 300 et 500 millions d'euros par année de retard, voire un peu moins car le pic du chantier est passé», a-t-il calculé. «Mais la vraie question, c'est qui va payer au final?» Areva et TVO ont en effet entamé une procédure d'arbitrage pour trancher leur différend sur le chantier de l'EPR.

Pour Yannick Rousselet, de Greenpeace, ce sera aux banques qui ont engagé leurs garanties. «Avec la Coface notamment, donc de l’argent public, qui va suppléer.»