Pourquoi la France est-elle championne du monde de l'absentéisme?

Pourquoi la France est-elle championne du monde de l'absentéisme?

Vieille comptable aigrie ou jeune cadre fringant: qui sont les salariés les plus absents en France ?
Delphine Halgand

Delphine Halgand

Quand on vous parle d'absentéisme, vous pensez à la comptable hypocondriaque qui vous parle tout le temps de ses petits-enfants ou au jeune premier qui vient d'intégrer votre société et qui revient bronzé de ses week-ends au ski? Pour mettre au clair les idées reçues, une étude Entreprise&Personnel réalisée par Denis Monneuse dresse le portrait-robot du salarié absent. Rappelons que l'absentéisme désigne une tendance collective à s'absenter de son poste de travail. "Jusque dans les années 70, plus les salariés étaient âgés, plus ils étaient absents. Or, aujourd'hui les 25 -35 ans sont les plus absents, les 35-45 ans les moins absents et au-delà de 45 ans l'absentéisme repart à la hausse", explique le sociologue qui a focalisé son étude sur sur les congés maladies et les absences injustifiées.

Des caractéristiques plus compréhensibles augmentent la propension à l'absentéisme comme être employé ou ouvrier depuis longtemps dans une entreprise, faiblement diplômé, être une femme mariée avec plusieurs enfants en bas âge, un salarié en CDI jouissant d'une convention collective avantageuse, un salarié travaillant dans un établissement de grande taille dans une zone urbaine, un salarié habitant loin de son travail, un salarié mal à l'aise dans son travail…

Mais d'autres raisons peut-être culturelles doivent expliquer l'absentéisme en France puisque notre cher pays avec une moyenne nationale de 7% est champion du monde dans ce domaine. Le trio de tête comprend également l'Italie et l'Espagne. "La France se situe 15% à 20% au dessus de la moyenne européenne. A l'inverse, les pays du nord de l'Europe et les pays anglo-saxons sont bien en dessous de la moyenne", commente Denis Monneuse.

L'ampleur du phénomène en France s'explique en partie par le poids de la fonction publique, affirme l'étude. Le taux d'absentéisme y tourne autour de 10% contre 5,8% dans le secteur privé. Les régions les plus touchés sont les DOM-TOM, la Corse et le Sud-Est.

L'absentéisme évolue également avec le temps. Entre 1998 et 2003, il a ainsi augmenté de 31%. Ce bond est intervenu en pleine baisse du chômage et les "35 heures" ne seraient pas non plus étrangères au phénomène. La réduction du temps de travail aurait eu un double effet. "La productivité augmente avec l'intensification du temps de travail, accroissant par ricochet les arrêts visant à "souffler", ainsi que les congés pré et post maternité; avec la généralisation des RTT, les salariés prennent goût aux week-ends prolongés", explique l'étude. Puis en 2003, la tendance est revenue à la baisse grâce aux actions de contrôle renforcées et à la plus grande sensibilisation des médecins.

C'est également dans les années 2000 qu'est apparue l'augmentation du micro-absentéisme (inférieur à 3 jours). Il représenterait 21 millions de jours par an, soit un coût estimé de 3,9 milliards d'euros. Le coût de l'absentéisme, même si il est difficile à évaluer, est bien réel. Comprenant les coûts directs (remplacement des absents, prise en charge du délai de carence), les coûts indirects (désorganisation interne, dégradation de l'image,…) et des coûts sociaux (effet de contagion), l'absentéisme coûterait au total entre 2% et 3% du PIB pour les pays européens, selon une estimation de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail datant de 1997. Le coût serait de 789 dollars ( 779 euros) par salarié aux Etats-Unis, 525 livres sterling (558,2 euros) en Grande-Bretagne, 3.550 dollars canadien (2.106 euros) au Canada, soit un coût onze fois plus élevé que les grèves pour ce pays.

L'absentéisme est le plus souvent l'expression d'un "cocktail nocif" entre des dysfonctionnements au sein de l'entreprise et de santé. Denis Monneuse présente des pistes de réflexion. "Proposer aux salariés de choisir leurs horaires de travail les responsabilise et a déjà pu faire diminuer l'absentéisme. S'entretenir avec le salarié à son retour empêche de banaliser l'absence pour l'absent et les présents", cite le sociologue en exemple. " Des détails aussi simples que ne pas faire réparer une imprimante pendant trois semaine peut nuire grandement aux conditions de travail de toute une équipe qui peut alors croire que son travail n'est pas reconnu, cela peut alors favoriser l'absentéisme", ajoute-t-il. Alors réparons les imprimantes...