Comment gérer ses émotions pour mieux investir ?
psycho-couacs•Si une connaissance technique est indispensable pour faire des choix financiers pertinents, le jeu de nos émotions et nos biais cognitifs peuvent aussi influencer nos décisions. Méfiez-vous de vous-même !Julie Polizzi pour 20 Minutes
Tout épargnant qui a un jour consulté un conseiller financier pour se renseigner sur des placements a, en principe, dû répondre à diverses questions visant à cerner sa capacité financière, ses besoins mais aussi son degré d'aversion au risque. Un dernier élément très subjectif qui n'est d'ordinaire pas plus approfondi que cela. Et pourtant… des biais psychologiques comme celui-ci, il en existe des dizaines qui influencent nos prises de décisions aussi bien dans notre quotidien qu'en matière financière. Et si on apprenait à les reconnaître pour mieux les maîtriser ? C'est tout l'enjeu de la finance comportementale.
Des mécanismes inconscients
Cette théorie, née dans les années 70 aux États-Unis, a largement essaimé dans les pays anglo-saxons mais reste encore marginale dans l'Hexagone. Il faut dire qu'elle n'a été véritablement consacrée qu'en 2002, lorsque l'un de ses fondateurs, Daniel Kahneman, a reçu le prix Nobel d'économie, suivi par Richard Thaler, un autre père de la discipline, en 2017.
Pourtant, cette analyse a beaucoup à nous apprendre, comme nous l'explique Edouard Camblain, conseiller en investissement à la Société Générale et auteur d'ouvrages sur le sujet : « La finance comportementale est une grille de lecture pour comprendre des comportements que l'on voit souvent. Elle s'appuie sur le fait qu'on a tous des biais cognitifs et émotionnels. » Ces mécanismes de pensée inconscients orientent la sélection et le traitement des informations à travers un prisme propre à chaque individu.
Dans certains cas, tel biais se révélera salvateur ou n'aura aucun impact financier, alors que dans d'autres situations il pourra induire des pertes. « En subissant sans le savoir les biais les plus courants, on estime que les investisseurs particuliers ont un manque à gagner de 3 % par an. Autrement dit, ils n'arrivent pas à capter le maximum de performances qu'ils pourraient réaliser à cause de toute une série de comportements induits par ces biais », précise Maxime Viémont, spécialiste de finance comportementale chez Portzamparc, une filiale de BNP Paribas gérant les investissements boursiers de particuliers.
À chacun ses biais
Si près de 200 biais cognitifs et émotionnels ont été identifiés, une quarantaine sont importants. Maxime Viémont nous propose un petit florilège non exhaustif.
Il y a ceux qui freinent l'investissement dans des actifs risqués, en limitant ainsi les possibilités de rentabilité. C'est le cas du biais d'ancrage : on se base sur la performance passée en ayant du mal à se projeter. Avec le biais de cadrage, on se concentre sur un indice spécifique, comme le CAC 40, en oblitérant d'autres valeurs. Très classique, le biais de statu quo incite à ne rien faire pour éviter l'échec. Très fréquent, le biais de récence veut qu'on soit bien plus impacté par une information à court terme, ce qui rend la prise de recul difficile. Celui de disponibilité est également fort : on a tendance à penser qu'une information immédiatement disponible est plus probable qu'une information qui ne l'est pas, alors que ce n'est pas forcément la plus pertinente.
De même, l'une des règles d'or consiste à diversifier ses placements pour limiter les risques. Sauf que là aussi des biais nous en empêchent, comme le biais d'excès de confiance qui peut nous pousser à recentrer nos actifs. C'est aussi le cas du biais de familiarité lorsqu'on investit dans des entreprises françaises en ayant le sentiment de mieux les connaître, mais qu'on concentre de ce fait nos placements.
Enfin, même avec un portefeuille étoffé et diversifié, il faut le faire évoluer pour qu'il prospère. Or, le biais d'aversion à la perte incite à conserver les placements qui ne marchent pas car la perte financière serait trop difficile à supporter. « C'est probablement le biais qui coûte le plus d'argent aux investisseurs », selon Maxime Viémont.
À lire aussi