Burger : Le monde du fast-food a-t-il vraiment besoin du retour de Quick ?
giant et long chicken•Depuis quelques années, Quick tente un retour sur le devant de la scène du burger français. Mais dans un marché plus saturé que jamais, la chaîne belge peut-elle vraiment retrouver une place tenable ?
Jean-Loup Delmas
L'essentiel
- En 2015, Quick semblait à bout de souffle. Rachetés par Burger King, trois quarts de ses restaurants se transformeront en enseignes « BK » dans les années suivantes.
- Mais depuis 2021, et un nouveau propriétaire, Quick tente un retour de plus en plus massif. Le groupe a même ouvert une cinquantaine de nouveaux restaurants en trois ans.
- À l’occasion de la journée du hamburger, cette résurrection inattendue peut-elle vraiment fonctionner, dans un marché comptant déjà une offre pléthorique et une concurrence plus nombreuse que jamais en France ?
C’est un petit miracle gustatif auquel Hugo ne croyait plus et pourtant : depuis quelques années, Quick tente un retour en force en France. Entre 2021 et 2024, l’enseigne est passé de 107 restaurants à plus de 150, dont 17 nouveaux fiefs pour la seule année 2023. De quoi faire plaisir à ce trentenaire fan depuis l’enfance, pour qui le Long Chicken est le meilleur burger du monde et la sauce du Giant figure dans le top des inventions de l’Humanité, quelque part entre l’imprimerie et la roue.
Si l’estomac d’Hugo ne demandait donc qu’à être reconquis, le retour de Quick peut interroger. Pourquoi tenter de revenir maintenant, et y a-t-il encore une place de libre ? Depuis sa lente agonie dans les années 2010, lorsque Burger King avait remplacé la majorité des 400 enseignes de l’époque, le marché du burger n’a certes jamais été aussi porteur. Les ventes ont été multipliées par 14 ces dix dernières années, renseigne Bernard Boutboul, fondateur du cabinet Gira, spécialiste de la restauration. Le pays consomme désormais plus de deux milliards de hamburgers chaque année, deuxième type de plat le plus vendu derrière les sandwichs.
Marché saturé ou marché dynamique ?
Mais le marché, lui, n’a jamais été aussi plein d’une concurrence féroce. 80 % des 180.00 restaurants de service à table, hors fast-food, ont au menu au moins un burger, énumère Bernard Boutboul. Et la restauration rapide ne s’est pas non plus tourné les pouces pendant que Quick faisait le dos rond : KFC, Popeye’s, Five Guys sont devenus autant de casse-dalle quotidiens. Le petit Belge peut-il vraiment ressusciter dans ce monde du burger qui frôle déjà l’indigestion ? Oui, veut croire l’entreprise, qui énumère les bonnes nouvelles économiques.
Son chiffre d’affaires a augmenté de 100 % en trois ans pour peser désormais 500 millions d’euros, renseigne Frédéric Levacher, PDG du groupe. Entre voir un marché saturé et un marché porteur, le dirigeant a fait le choix de l’optimisme : « Tout le monde va au moins une fois par an dans un fast-food, par envie, par facilité, pour des questions d’horaire. Le secteur est tellement dynamique qu’il y a encore une part pour nous. »
Madeleine de Proust et saine concurrence
D’autant que « ce n’est pas un marché de chapelle : on peut aller un jour prendre un Big Mac et le lendemain manger à Quick », rassure le boss du Giant. Même Hugo avoue faire quelques infidélités à son Quick chéri. Et tant qu’on est dans les confessions parjure, lui aussi préfère les frites de McDo. « Tu ne vas pas au McDo comme tu vas au KFC ou comme tu vas à Quick », assure de son côté Romain, grand amateur de fast-food du haut de ses 34 ans, qui a assez de cœur et d’estomac pour tout le monde. La box de poulet frit avec le groupe de pote, le McDo pour un « date » avec son meilleur ami et le Quick en famille. « En tant que client, je ne pense pas qu’il puisse y avoir trop d’offres. Et en tant que père non plus. Bien sur les enfants ont leur préférence mais ils aiment aussi varier. »
Les familles et les jeunes adultes - entre 25 et 35 ans - représente le cœur de cible de Quick, qui admet volontiers surfer sur une certaine nostalgie. Hugo le reconnaît, le Long Chicken est autant un sommet gustatif qu’une madeleine de Proust : « Ça me rappelle mon enfance lorsque mon père m’y amenait. » Il suffit de voir les stars vedettes mise en avant en 2024 - Tony Parker et autres Eric & Ramzy - « des vedettes encore très actuelles », se défend Frédéric Levacher, « mais qui ont également rayonné au début des années 2000 ».
Le halal peut-il faire la différence à lui seul ?
Reste un argument « majeur » selon Bernard Boutboul qui pourrait perenniser les Giants : « Quick est identifié comme étant Le fast-food halal. Or, c’est un marché extrêmement dynamique : il est six fois plus vendeur que le bio par exemple. Un Quick certifié halal voit son chiffre d’affaires multiplié par deux voire trois. » Suffisant pour se faire une place au soleil sans l’ombre d’une concurrence ? Au sein de la franchise belge, on assure qu’on a d’autres arguments à faire valoir, tout autant - et même plus - importants : l’innovation dans les burgers, le goût, une communauté fidèle et aimante qui attendait ce retour…
Pour Clémentine Hugol-Bential, professeure et spécialiste des enjeux contemporains de l’alimentation à l’université de Bourgogne, il est certain que « le seul halal ou la nostalgie ne suffiront pas. Quick doit créer une nouvelle image de marque, l’ancienne étant écornée. La chaîne ne peut se contenter de séduire les nostalgiques et leurs enfants, il va forcément falloir conquérir des nouveaux clients. »
Frédéric Levacher le reconnaît : la marque patine encore un peu à séduire les adolescents, qui constituent le trou dans la raquette entre les trentenaires mélancoliques du Quick & Toast et leurs kids. Pourtant, il s’agit là d’une cible essentielle, formant les futurs jeunes adultes et les familles de demain, soit le cœur de la clientèle. Une stratégie plus axée sur le digital, les réseaux et du name dropping plus évocateurs aux ados est prévu. Seul moyen pour Quick de, cette fois, vraiment réussir son retour.