« J’aime ce défi d’expliquer le droit à ceux qui n’en font pas »
INTERVIEW•Camille Décode fait partie de ces juristes qui se sont lancés dans un élan de démocratisation en ligne du droit pour éviter la désinformation et les injusticesPropos recueillis par Julie Polizzi pour 20 Minutes
Alors que le droit encadre l’ensemble de notre vie, les notions juridiques restent obscures pour la plupart des citoyens. Or, si une myriade de sites Internet spécialisés permettent de se renseigner, c’est souvent d’abord sur les réseaux sociaux que les internautes, surtout les plus jeunes, se tournent. Institutions mais aussi juristes se saisissent alors de ce canal d’information pour proposer des contenus qualitatifs. On voit ainsi fleurir depuis quelques années des comptes de vulgarisation juridique, comme celui de Camille Décode, enseignante en droit et créatrice de contenu.
Comment vous êtes vous retrouvée à dispenser vos conseils sur Internet ?
Un jour j’ai prêté un chargeur de téléphone à mon coach de sport qui me l’a rendu très abîmé. J’avais donc fait une story sur Snapchat pour mes proches en m’amusant à décrire quels seraient mes recours. Et il y a eu beaucoup de réactions… De fil en aiguille, j’ai commencé à faire quelques posts en racontant des histoires de droit à mon petit niveau, jusqu’à me dire qu’il faudrait que j’essaie de toucher plus de monde.
C’est comme ça que j’ai créé Camille Décode en 2017, d’abord en postant mes vidéos sur YouTube et ensuite sur Instagram où j’ai pu développer une vraie communauté.
Pourquoi avoir ciblé les réseaux sociaux ?
Lorsque j’ai commencé à enseigner, je donnais des cours à des élèves infirmiers et j’avais bien aimé ce défi de devoir expliquer du droit à des personnes qui n’en faisaient pas du tout. Mais lorsque les jeunes se posent des questions, ils ne vont pas chercher la réponse sur Google, ils vont sur Instagram ou YouTube. Or, il y a sept ans, le paysage juridique sur les réseaux sociaux était quasi inexistant. Il n’y avait pas tous les comptes de vulgarisation qu’on trouve aujourd’hui.
C’était donc un vrai enjeu pour moi de proposer sur ces réseaux du contenu sympa, rigoureux et qualitatif, qui parle aux jeunes. Mon défi, c’est d’aller chercher des personnes qui ne font pas de droit pour essayer de leur en donner quelques notions et codes. Et c’est d’ailleurs pour cela que je dois maintenant travailler davantage sur TikTok parce que les plus jeunes générations s’informent via ce réseau.
Le format court d’Instagram ne vous dérange pas ?
C’est évidemment un défi de synthétiser les sujets mais ça nous oblige aussi, en tant qu’enseignant, à nous remettre en question et à faire preuve de pédagogie. Même une idée compliquée peut toujours s’expliquer de manière simple, mais cela demande beaucoup de travail. De toute façon, on ne peut pas épuiser un sujet, que ce soit en un post ou en un livre ! Mon objectif c’est de donner les bases aux internautes pour les inciter à creuser ces thèmes ou à en parler autour d’eux. Je les amène vers ces notions, à eux ensuite de s’en saisir s’ils le souhaitent.
Comment choisissez-vous vos sujets ?
Je choisis les thèmes au feeling, par rapport à ce qui m’intéresse et ce qui peut intéresser ma communauté. Mon quotidien m’inspire souvent. Mais je reste vraiment sur ce que je sais faire, à savoir de l’actualité juridique, des concepts, de la définition de termes, etc.
Depuis deux ans, je développe également beaucoup l’actualité judiciaire. En 2021, j’ai par exemple suivi pendant un an le procès des attentats du 13 novembre, en intéressant chaque jour ma jeune communauté à ce qu’était un procès. C’est très important que les gens sachent ce qui se passe dans les tribunaux pour comprendre comment la justice se rend.
Parlez-nous de votre partenariat avec Service-Public. fr…
En fait, c’est une collaboration avec la Direction de l’information légale et administrative (Dila), qui gère les sites Service-Public.fr, Vie-publique.fr et Legifrance.gouv.fr. Le partenariat s’est concrétisé fin 2023 et a donné lieu à la publication d’une vidéo pour le compte Instagram de Service-Public.fr, lancé en janvier. Je suis très heureuse de travailler avec eux parce que ça s’inscrit totalement dans ma démarche pour vulgariser le droit. Avant cela, j’ai également travaillé pendant trois ans avec la Caisse des Dépôts dans la même optique.
De manière générale, je crois qu’il y a de plus en plus d’institutionnels sur les réseaux sociaux et je trouve que c’est une démarche qu’il faut encourager dès lors qu’elle va permettre au plus grand nombre de s’intéresser à des thématiques qui leur étaient peut-être inconnues jusque-là.
Vous avez aussi travaillé avec la plateforme Lumni…
Oui, tout à fait. Lumni.fr, c’est la plateforme éducative de France TV à destination des scolaires. C’était très intéressant puisque l’approche en télévision est très différente de ce que j’ai l’habitude de faire. Mais il y avait toujours cette même dynamique de permettre l’accès des jeunes au droit. C’était un très beau projet. On a tourné tous les épisodes de cette émission baptisée C’est ton droit ! qui s’adresse aux collégiens et lycéens. Les vidéos ont été mises en ligne en mars 2022 et sont disponibles sur Lumni.fr.