« Le potentiel est important »… Aliment star des régimes, le konjac pousse désormais en France
pari tenu•La société France Konjac a entrepris de produire depuis l’Anjou cette plante asiatique réputée pour ses vertus diététiques. Une aventure agricole délicate qui vise à répondre aux importations croissantes depuis la ChineFrédéric Brenon
L'essentiel
- Riche en fibres et hypocalorique, le konjac est de plus en plus consommé.
- Nhung Nguyen-Deroche s’évertue depuis sept ans à cultiver cette plante asiatique sur le sol français. Elle a développé une ferme près d’Angers.
- Le konjac est ensuite transformé en produits alimentaires, par exemple en nouilles.
C’est un aliment recommandé pour récupérer des excès des fêtes de fin d’année et démarrer sainement 2024. Encore peu connu du grand public, le konjac est, depuis une dizaine d’années, prisé en Europe et aux Etats-Unis pour ses vertus diététiques. Les personnes suivant un régime, mais aussi celles sujettes à des problèmes de constipation ou de cholestérol, sont particulièrement attirées par cette plante millénaire originaire d’Asie du sud-est. Bien que pauvres en vitamines, ses racines sont en effet extrêmement riches en fibres, très peu caloriques et constituent également un coupe-faim naturel.
Seulement voilà, le konjac, dont il existe plus d’une centaine de variétés, ne pousse normalement que sur le continent asiatique, en Chine notamment où il est de plus en plus produit et transformé en poudre (gélules…) et produits alimentaires (pâtes…). Mais les choses sont en train de changer. Nhung Nguyen-Deroche, une docteure en biologie végétale franco-vietnamienne, a en effet entrepris d’en faire pousser en France. Une ferme expérimentale a été créée dans la région d’Angers (Maine-et-Loire) et la première véritable récolte vient d’ailleurs toujours juste d’avoir lieu.
« Ça a été plus long que je ne le pensais »
« L’importation du konjac en Europe représente un coût écologique élevé, surtout quand on sait qu’il renferme 97 % d’eau. Ça signifie donc faire venir surtout de l’eau et de l’emballage plastique dans des conteneurs sur une distance de 20.000 km, ça n’a pas de sens. L’importation pose aussi des problèmes d’approvisionnement et de traçabilité. Je me suis dit qu’il fallait trouver une alternative », raconte Nhung Nguyen-Deroche, qui s’est lancée dans l’aventure en 2016 avant de créer la marque France Konjac.
Il a d’abord fallu sélectionner la bonne variété capable de s’adapter au climat français et de donner du rendement. Pas une mince affaire, d’autant plus que le konjac, qui pousse dans le sol à la manière d’une pomme de terre, ne se récolte qu’au terme d’un cycle de trois ans. « Ça a été plus long que je ne le pensais. J’ai fait de nombreux essais de plants, j’ai connu beaucoup échecs et j’ai fini par trouver une variété hybride qui donne satisfaction. L’an dernier, on a presque tout perdu à cause de la sécheresse. Mais, cette année, ça s’est mieux passé », raconte l’entrepreneuse. Une quinzaine de tonnes ont ainsi pu être ramassées en décembre.
Les tubercules à chair blanche seront ensuite réduits en farine, laquelle servira de base de fabrication en nouilles, tagliatelles et grains prêts à consommer. « C’est très encourageant, les voyants sont au vert, même s’il est encore nécessaire d’améliorer les techniques de culture, que ce soit sur le plan de l’irrigation, de la mécanisation ou même de l’ombrage », observe Gildas Allais, conseiller en développement.
« L’introduire dans les habitudes alimentaires des Français »
En 2024, l’objectif de France Konjac sera de sortir une trentaine de tonnes. Puis d’augmenter significativement les volumes en s’associant à d’autres cultivateurs. « Le konjac développe des rhizomes et peut doubler sa surface chaque année. Ça peut aller très vite », estime Nhung Nguyen-Deroche. La France importe près d’un millier de tonnes de konjac déjà transformé par an. « La demande mondiale est croissante, le potentiel est important, mais si on parvient à remplacer la moitié de l’importation française par du konjac français ce sera déjà très bien », considère la dirigeante dont le modèle est celui du quinoa, céréale sud-américaine cultivée en France, notamment en Anjou, depuis dix ans.
En attendant d’enchaîner les récoltes, France Konjac fait venir du Japon de la farine de konjac qu’elle transforme et cuisine sur place dans son atelier du Maine-et-Loire. « Notre clientèle est, pour l’heure, plutôt féminine, indique Nhung Nguyen-Deroche. Mais notre but est de démocratiser le konjac pour l’introduire dans les habitudes alimentaires des Français. Gustativement, c’est assez neutre en bouche. Le principal intérêt se trouve dans ses bienfaits nutritionnels. On l’associe trop aux régimes alors que c’est un superaliment pour la vie de tous les jours. » D’autres débouchés peuvent être envisagés à terme, comme les éponges de konjac pour le visage, déjà très tendance.