DEGATSComment se faire indemniser après des actes de vandalisme ?

Emeutes après la mort de Nahel : Commerce saccagé, voiture incendiée… Quelle indemnisation après les violences ?

DEGATSLes violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel ont entraîné des dégradations déjà plus importantes que lors des émeutes de 2005. Mais combien d’entre elles seront indemnisés ?
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Depuis la mort de Nahel mardi dernier, des violences urbaines ont secoué la France entière. Selon le ministère de l’Intérieur, le bilan serait déjà plus lourd que lors des émeutes de 2005.
  • La plupart de ces dégradations sont couvertes par les assurances. Mais attention, il peut y avoir quelques mauvaises surprises.
  • Pour faire le tri sur ce qui est remboursé et ce qui ne l’est pas, et les démarches à suivre, 20 Minutes a fait appel à Stéphanie Duraffourd, cofondatrice du comparateur d’assurances Assurland.com.

En six jours et six nuits de violences urbaines depuis la mort de Nahel, tué lors d’un contrôle de police, le bilan des destructions a déjà dépassé celui des émeutes de 2005, qui avait duré trois semaines. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, plus de 5.000 véhicules ont été incendiés et près de 1.000 bâtiments brûlés, dégradés ou pillés. Après les vidéos des flammes et des explosions la nuit reviennent chaque matin les regards dépités des commerçants ou des riverains sous le choc.

La question de la reconstruction des quartiers touchés est pressante, mais selon la cible de ce vandalisme et le préjudice subi, les modalités d’indemnisation ne sont pas les mêmes. 20 Minutes a contacté Stéphanie Duraffourd, cofondatrice du comparateur d’assurances Assurland.com. Passage en revue :

S’il s’agit d’un commerce vandalisé

L’écrasante majorité des commerces ont souscrit une assurance multirisque professionnelle, estime l’experte. Cette dernière prend en compte toutes les dégradations matérielles, de la simple vitre cassée au pillage, en passant par l’incendie. Deux petits bémols : la franchise à régler avant le remboursement, qui peut s’avérer chère, et le délai de ce remboursement, une véritable source d’inquiétude pour les commerçants. Conscient de ces deux problèmes, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a demandé aux assureurs que les indemnisations « arrivent le plus vite possible, dans des délais qui doivent se chiffrer en jours et pas en semaines », et de « réduire au maximum le prix des franchises ».

Le prix d’une franchise, justement, dépend normalement en partie du contrat de l’assurance. Plus celui-ci coûte cher, moins la franchise à payer sera onéreuse, et inversement.

Reste un point plus épineux : la perte d’exploitation. Imaginez un commerce fermé par précaution, de peur des dégradations. Le manque à gagner sera-t-il remboursé ? Les commerces sont loin d’être aussi couverts que pour les dégradations matérielles. Pour être remboursé, « il faut avoir souscrit à une garantie perte d’exploitation, ce qui est loin d’être automatique », précise Stéphanie Duraffourd.

S’il s’agit d’un bâtiment communal attaqué

En ce qui concerne les mairies, écoles, bibliothèques ou centres de jeunesses, « les communes assurent leurs bâtiments avec des assureurs spécialisés », rassure Stéphanie Duraffourd. Même cadre que dans un commerce : une franchise à payer, avec un prix différent selon le type de contrat choisi. Tous les dégâts matériels sont couverts, et comptez des délais plus ou moins longs.

S’il s’agit d’un logement personnel dégradé

Si vous êtes copropriétaire ou locataire, vous êtes obligé d’avoir une assurance habitation. Ce qui n’est pas obligatoire pour un propriétaire, « même si dans les faits, la grande majorité des personnes en ont une ».

Cette assurance habitation vous couvre en cas de dégradation liée à du vandalisme. Vous avez cinq jours pour déclarer un sinistre, et deux pour déclarer un vol. La valeur du remboursement dépendra de la garantie que vous avez contractée : valeur à neuf ou une valeur à l’état dans lequel était le logement avant sa dégradation. Là encore, une question de coût de l’assurance.

S’il s’agit d’une pièce commune dans un immeuble mis à mal

Le mur de votre immeuble a été tagué ? Le digicode cassé ? Une vitre extérieure a été brisée ? Pouvez-vous faire quelque chose ? « C’est le syndic de copropriété qui se charge des parties communes », précise notre experte. Reste à voir si le vôtre a contracté une assurance ou pas : « S’il n’en a pas, le tag risque de rester longtemps… »

S’il s’agit d’une voiture incendiée

Le cas le plus fréquent, comme on l’a vu avec les chiffres du ministère de l’Intérieur, et paradoxalement le moins bien couvert. Il existe trois types d’assurances pour les voitures. Premièrement, le tous risques, le niveau le plus protecteur. Il couvre tout, comme l’indique son nom, et est souvent pris pour les jeunes conducteurs ou lors de l’achat d’un véhicule neuf et cher. Si vous l’avez, « il suffit de porter plainte au commissariat et de déclarer le sinistre dans les 5 jours ». Un expert va venir pour vérifier que l’incendie n’est pas une fraude à l’assurance et estimer la valeur du véhicule, qui vous sera indemnisé.



Deuxième niveau, le tiers intermédiaire, qui prend là aussi en compte l’incendie, le vol, les dégradations comme la vitre cassée… Même démarche que pour le tous risque.

Enfin, le dernier niveau, la responsabilité civile, aussi appelée assurance au tiers. En gros, elle couvre les gens que vous pourriez blesser, mais pas vous. Comprendre : en cas d’incendie ou de dégradation de votre véhicule, ce dernier ne sera pas indemnisé. Or, « c’est le cas d’un peu plus de 50 % des contrats d’assurance automobile », estime Stéphanie Duraffourd.

Vous pouvez toutefois vous tourner vers la Civi, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Celui-ci aura deux mois pour vous proposer une offre amiable plafonnée à 4.601 euros. Autre manœuvre encore plus ambitieuse, vous pouvez engager la responsabilité de l’Etat et déposer une réclamation en préfecture, en vous appuyant sur l’article L211-10 du code de la Sécurité intérieure. Selon ce dernier, « l’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements et rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ». Succès non garanti. Moins romanesque, vous pouvez à l’avenir contracter une assurance incendie contre quelques dizaines d’euros, en plus de votre assurance au tiers.