TitanicLe tourisme sous-marin, un rêve d’ultra-riches… utile à la Science

Sous-marin disparu près du Titanic : Le tourisme des profondeurs, une activité rare… mais essentielle pour la Science

TitanicLes profondeurs des océans sont de plus en plus convoitées par les touristes ultra-riches. Une activité très coûteuse et risquée, comme le montre le drame du « Titan », sous-marin disparu alors qu’il partait explorer le « Titanic »
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Depuis dimanche, un sous-marin, le « Titan », contenant un équipage mi-touristique mi-scientifique, a disparu dans les profondeurs alors qu’il partait visiter l’épave du Titanic.
  • Un drame qui pose des questions sur le tourisme des profondeurs.
  • Malgré les critiques possibles autour de ce tourisme sensationnaliste, ce dernier s’avère de plus en plus indispensable pour la recherche scientifique, en manque d’autres financements.

Edit du 22 juin 2023 à 20h58 : Les cinq passagers du submersible recherché depuis dimanche dans l’Atlantique nord, près de l’épave du Titanic sont morts, a annoncé l’entreprise OceanGate dans un communiqué. Les débris du submersible retrouvés près de l’épave du Titanic correspondent à une « implosion catastrophique » de l’appareil, ont déclaré les garde-côtes américains lors d’un point presse depuis Boston.

Le drame du Titan, le sous-marin disparu depuis dimanche alors qu’il partait explorer l’épave du Titanic, a mis la lumière sur une activité encore méconnue : le tourisme des profondeurs. En marge des voyages de masse, partir en sous-marin reste une activité rare - comptez 18 expéditions d’exploration du Titanic prévu à l’été 2023 par la société américaine OceanGate Expeditions – qui possède le Titan – , toutes évidemment remise en question depuis quelques jours.

Pourquoi une telle rareté ? D’abord à cause du tarif, plutôt prohibitif. Avec OceanGate Expéditions, c’est 228.000 euros par passager (250.000 dollars), pour huit jours sous la mer. Laureline Chopard, cofondatrice de l’agence Poprock, qui accompagne marques et territoires outdoor dans leur valorisation touristique, confirme que ce tourisme sous-marin « est une activité anecdotique ». « Cela montre bien la recherche de l’expérience ''jamais faite par d’autres''. Certains vont dans l’Espace, d’autres grimpent l’Everest, d’autres vont explorer les ruines du Titanic. Une activité de gens très fortunés en quête d’aventures que peu peuvent se payer. » Lors d’une interview au New York Times, le président d’OceanGate Expéditions, Stockton Rush, faisait lui-même un parallèle entre son entreprise et Blue Origin, Virgin Galactic et SpaceX, piliers du tourisme spatial.

Un tourisme qui repousse sans cesse les limites

C’est que le milieu touristique « ne cesse de vouloir repousser les limites et d’aller toujours plus loin dans des territoires inexplorés », poursuit Note Chaouini, docteure en sciences de l’information et de la communication et spécialiste du tourisme. « Avec l’essor du tourisme de masse, de plus en plus accessible, les ultra-riches cherchent à se différencier, des sensations inconnues pour le grand public. »



Mais il n’y a pas que le coût du ticket-passager qui est extrêmement cher. L’expédition elle-même est aussi extrêmement onéreuse, note Nawel Chaouini : « Peu d’entreprises peuvent se permettre de financer ce genre d’actions. » Preuve en est, les fonds marins sont encore bien mystérieux pour l’Homme. 5 % seulement ont été explorés, alors qu’ils recouvrent 70 % de la planète. L’idée est répandue dans le milieu scientifique : on connaît mieux la surface de la Lune ou de Mars que le fond des mers

Un financement indispensable pour la recherche

C’est une des raisons du - relatif - essor de ce tourisme sous l’eau : il permet de financer les expéditions. « Le tourisme d’ultra-riches offre des sources de revenus inespérés pour des recherches très coûteuses et pas forcément rentables. Il en va de même pour l’essor du tourisme spatial - il devient vital économiquement pour les scientifiques », analyse Nawel Chaouini.

Le Titan comprend cinq passagers : un pilote, trois touristes mais aussi un scientifique, Paul-Henri Nargeolet, ambassadeur de la Cité de la Mer de Cherbourg. Le site web d’OceanGate Expeditions fait aussi dans le mélange des genres et indique que la société « construit des sous-marins 5 places voués à la recherche scientifique et au tourisme ».

Jusqu’où est à la limite ?

Contactée par 20 Minutes, la Cité de la Mer de Cherbourg explique de ne pas vouloir s’exprimer sur l’aspect économique de ces expéditions sous-marines. Et précise : « Paul-Henri Nargeolet bénéficiait des plongées touristiques pour faire des relevés scientifiques et continuer à perfectionner des engins habitables pour la science. C’est un anti-business qui vivait la science à fond. »

Il s’agit donc d’une collaboration bon gré, mal gré, entre des recherches scientifiques en manque de financement et un tourisme d’ultra-riches en manque de sensation, une alliance aussi contre-nature qu’indispensable pour le milieu scientifique. Mais pas sans risque, conclut Nawel Chaouini : « Il faut faire attention à ce que la recherche d’adrénaline des ultra-riches, ou la recherche des profits des entreprises, ne mène pas à des expéditions de plus en plus risquées et outrepassant les règles de prudence. »

Selon le New York Times, un ancien employé d’OceanGate, David Lochridge, a été licencié il y a cinq ans après avoir exprimé des doutes sur l’appareil. Il estimait notamment que le hublot du sous-marin n’était certifié que pour une profondeur de 1.300 mètres, soit trois fois moins que la profondeur où repose le Titanic. Au cours de son procès, il avait averti « des dangers potentiels pour les passagers du Titan lorsque le submersible atteint des profondeurs extrêmes ». Le drame du Titan - pour lequel l’espoir d’une issue heureuse s’amenuise d’heure en heure - pourrait donc mettre un coup de projecteur sur les limites d’un tourisme qui espérait s’en affranchir.