Hausse des prix : « C’est l’Alpe d’Huez » … On a montré à un cycliste pro la courbe de l’inflation
pouvoir d'achat•Qu’est ce qui grimpe le plus : l’Alpe d’Huez, le Tourmalet ou l’inflation ?Jean-Loup Delmas
L'essentiel
- Impossible de passer à côté de l’inflation en ce début d’année 2023, elle qui fut déjà le sujet central de 2022.
- Une inflation qui monte raide et pendant des mois, de quoi faire penser (avec un peu d’imagination, on vous l’accorde) à une étape du Tour de France.
- 20 Minutes a donc fait appel à Steve Chainel, ancien cycliste professionnel et désormais commentateur du Tour, afin qu’il nous apprenne comment s’en sortir dans cette ascension des prix.
En un an depuis notre prise de poste à la rubrique Economie de 20 Minutes, on a écrit 56 papiers contenant « inflation » dans le titre. Soit plus d’un par semaine en moyenne. Si bien que, à force d’avoir poncé le sujet dans tous les sens, on ne savait plus trop comment retranscrire l'aspect exceptionnel de la bête, qui s’annonce pourtant encore comme le tube de l’année de notre rubrique en 2023.
Que dire de plus sur ces prix qui montent, montent, montent… à la recherche d’un fameux « pic » qui ne vient pas. Un pic ? Un cap ? Que dis-je, c’est un cap, c’est un col. A zieuter la courbe de l’inflation depuis un an, une révélation nous est soudainement apparue. Ce sujet d’apparence austère a une sacrée gueule d’étape du Tour de France. Et avant de rétorquer « T'as vraiment eu ta carte de presse dans une pochette-surprise... », visez un peu ce comparatif entre l’étape 16 du dernier Tour de France et l’inflation depuis un an, et osez dire qu’il n’y a pas une légère ressemblance.
Heureusement, Steve Chainel est là pour conforter notre métaphore. Cycliste professionnel entre 2007 et 2015, il est désormais consultant sur le Tour de Frace. Autant dire que le vélo, ça le connaît. Et oui, pour lui, « la comparaison entre l’inflation et une ascension en montagne est très pertinente. On souffre, on n’en voit pas le bout, c’est terrible. »
Deux hors-catégorie pour l’ascension d’une vie
Le sujet étant validé, avant-propos pour les non-amateurs de vélo. Dans le Tour de France, les cols sont classés par catégories, de col 4 – une ascension toute mignonne – à col 1 – une montée bien énervée. Et encore au-dessus (donc pire), on trouve le col hors catégorie.
Avec un maximum d'inflation sur un an à 6,2 %, loin des dénivelés à 13 % qu'on peut trouver sur le Tour, on avait initialement mis les deux cols de l'année 2022, en juillet et en octobre, en catégorie 2. Mais Steve Chainel nous trouve bien trop cléments : « L’inflation entre janvier 2022 et le premier pic de juillet, c’est du jamais vu, c’est au niveau de l’Alpe d’Huez ! » Correction faite, on part donc sur un premier hors-catégorie.
Au moment de classer notre courbe de l’inflation si haut dans les cimes, c’est autant l’ex-cycliste professionnel que le consommateur qui parle : « Je ne veux pas faire l’ancien à 39 ans, mais je n’avais jamais vu des prix monter si haut, si vite et si longtemps. Donc oui, c’est hors catégorie. » Et Steve Chainel déroule la métaphore : « Tout le monde est affecté par un hors-catégorie. Même les leaders d’étape/les catégories aisées qui subissent quand même l’inflation. Mais surtout les sprinters/les personnes précaires qui ne sont pas adaptées à cette hausse des prix et dont le but est juste de survivre à l’étape. On est tentés de tricher / certains volent dans les supermarchés, travaillent au noir pour aider les fins de mois, comme certains cyclistes se dopent avant une énorme étape. »
Ménager ses efforts et ses économies
Vendu ! Maintenant qu’on a fixé qu’on était sur une ascension XXL, comment on fait pour la grimper alors ? Petits conseils pour vos paniers de courses par Steve Chainel. Primo, oubliez les mantras « on prend les kilomètres les uns après les autres »/« on vit au jour le jour ». Au contraire, « le grand danger, c’est de puiser toute son énergie/toutes ses économies dès le début et de finir dans le rouge. C’est l’erreur type et le meilleur moyen d’exploser en vol. » Ce qu’il faut, c’est « avoir une vision d’ensemble, savoir qu’on va galérer pendant un bon moment et donc, être dans la gestion, s’économiser. »
Nous voilà en juillet, au sommet du premier col à 6 %. Ensuite, l’inflation diminue légèrement, avant de réaugmenter autour des 6 % à l'automne. « Un col plus roulant que l’Alpe d’Huez. Ca ressemble un peu au col du Glandon », estime notre cycliste. Là encore, un hors-catégorie. Et un sacré piège après les mollets usés par l’Alpe d’Huez / le début d’année : « Le risque, c’est de se dire que le plus dur est passé et de relâcher la pression, alors que les prix / le dénivelé grimpent encore sévèrement. Des défaillances juste avant l’arrivée, ça arrive, et c’est très douloureux. »
Vous l’aurez compris, même si l'inflation va peut-être – enfin – se calmer dans les prochains mois, on ne souffle pas encore avant d’être arrivé au bout. Mais, et c’est toute la beauté du cyclisme comme de la vie, les épreuves les plus dures finissent toujours par avoir une fin. Steve Chainel : « Dans ce genre d’ascension, on galère, on souffre, on se dit qu’on ne va pas y arriver, que c’est trop dur… Et puis à un moment, la ligne d’arrivée est là, et c’est terminé. On l’a fait. » Allez, courage, encore quelques coups de pédale.
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