Energie : Les quatre enseignements clés du bilan électrique 2022 de la France
CONSOMMATION•RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, dressait ce jeudi le bilan électrique de l’année 2022. On vous en résume les quatre enseignements clésFabrice Pouliquen
L'essentiel
- Crise du gaz, envolée des prix de l’énergie, cascade de réacteurs nucléaires à l’arrêt… En 2022, les questions énergétiques sont revenues en force au cœur des préoccupations des Français.
- Autant dire que le bilan électrique 2022 dressé ce jeudi par RTE était attendu. Premier enseignement : les Français ont nettement moins consommé que la moyenne de la période 2014-2019.
- Mais il n’y a pas que la consommation qui a baissé. Notre production aussi a chuté, obligeant la France à devenir, pour la première fois depuis 1980, importatrice nette de cette énergie. On vous résume tout ça.
Combien de térawattheures a-t-on consommés ? Combien en a-t-on produit ? Quelle part a été assurée par le nucléaire ? Quelle part a été importée ? C’est l’une des missions de Réseau électrique de France (RTE), le gestionnaire du réseau électrique français : dresser le bilan électrique de la France sur l’année passée.
Forcément, le rapport 2022, publié ce jeudi, a une résonance particulière, tant l’énergie est revenue en force dans les préoccupations des Français. Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, parle d’un contexte « inédit depuis les chocs pétroliers de 1970 », et loin de se résumer à la crise gazière. Pour autant, « la France a montré sa résilience et sa sécurité d’approvisionnement a été garantie », insiste Xavier Piechaczyk. Sans black-out, cette panne géante et incontrôlée que beaucoup craignaient. Retour sur les quatre enseignements de ce bilan électrique 2022.
Les Français ont moins consommé
« La consommation électrique en France est passée de 467 térawattheures en 2021 à 459 en 2022, soit une diminution de 1,7 % (à température normale*) », indique Thomas Veyrenc, directeur en charge du pôle stratégie, prospective et évaluation à RTE. Cette consommation 2022 a également été inférieure de 0,4 % à celle de 2020. Mais ces deux années, bouleversées par le Covid-19, ont été marquées par des consommations d’électricité assez faibles en France. Mieux vaut alors comparer avec les valeurs moyennes entre 2014 et 2019. L’année 2022 apparaît alors en retrait de 4,2 %. « Une diminution très significative, reprend Thomas Veyrenc. Elle l’est d’autant plus qu’elle a été obtenue sur une période très concentrée, avec une rupture très nette en septembre. Sur les derniers mois de l’année, la baisse de consommation est de 9 % par rapport à la période 2014-2019. »
Thomas Veyrenc précise que cette baisse n’est pas le seul fait de l’industrie. « Certes, il s’agit du secteur où les baisses se voient en premier parce que c’est le plus exposé aux variations des prix de l’électricité, commence-t-il. Mais cette diminution de 9 % sur les derniers mois de l’année vient aussi beaucoup du résidentiel, le secteur majoritaire de consommation en France, et du tertiaire. » Quant à savoir ce qui a le plus poussé les Français à réduire leur consommation, RTE cite bien sûr l’envolée des prix de l’énergie, mais n’en oublie pas les campagnes de sensibilisation à plus de sobriété. « Quand on regarde le timing des baisses, il semble assez clair que ces dernières ont joué un rôle très important », assure Thomas Veyrenc.
Le nucléaire et l’hydraulique flanchent
Il n’y a pas que la consommation qui a baissé en France. Notre production en a fait de même. C’est l’autre chiffre fort du rapport : « elle est passée de 522 TWh en 2021 à 445 en 2022, soit une diminution de l’ordre de 15 %. « Il faut remonter à 1992 pour retrouver un tel niveau de production », indique Thomas Veyrenc.
Il faut dire que nos 56 réacteurs nucléaires, sur lequels repose principalement notre mix électrique, n’ont pas été à la fête. Concentration des arrêts pour maintenance, contrôles liés aux corrosions sous contraintes… La disponibilité du parc nucléaire [sa capacité à produire] a atteint « son niveau le plus bas depuis 1988 », indique Xavier Piechaczyk. Elle était en moyenne à 54 % en 2022, contre 73 % un an plus tôt. Au final, la production nucléaire a reculé de 30 % par rapport à la moyenne des 20 dernières années, et de près de 23 % par rapport à 2021. RTE estime toutefois que la France a réussi à placer un maximum de ces arrêts au printemps et à l’été, les périodes les moins critiques, et que le taux de disponibilité est peu à peu remonté cet hiver.
Moins médiatisée, l’hydraulique aussi était en crise l’an dernier, pas épargnée par la sécheresse exceptionnelle. Si la filière est restée la deuxième source de production d’électricité en France (derrière le nucléaire), sa production a tout de même diminué de 20 % par rapport à la moyenne sur la période 2014-2021. « Elle a atteint son plus bas niveau depuis 1976, ajoute Xavier Piechaczyk.
Merci aux voisins
Conséquence directe de cette baisse de production : il a fallu se tourner vers nos voisins. La France est ainsi passée d’exportatrice nette d’électricité (+ 43,3 TWh en 2021) à importatrice nette (- 16,5 TWh). Autrement dit, elle a plus acheté de l'électricté qu'elle en a vendu en 2022. Cela n’était plus arrivé depuis 1980. « La France a été importatrice tout 2022, à l’exception de février et mai, détaille Thomas Veyrenc. Mais l’essentiel de ces imports a eu lieu l’été, lorsque l’indisponibilité du parc nucléaire était à son maximum. » Ce qui lui fait dire que le solde de la France pourrait repasser dans le positif en 2023. « Même si la production nucléaire va rester basse, ça ne sera pas autant qu’en 2022, reprend-il. En janvier [2023], la France était déjà exportatrice nette. »
Des émissions de gaz à effet de serre qui augmentent
Les émissions de gaz à effet de serre liées à notre production d’électricité sont passées de 21,5 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2eq) à 25 MtCO2eq. Pourtant, le charbon a continué de reculer en 2021, malgré ce contexte tendu. « Il n’assure plus qu’une part marginale (0,6 %) de notre production d’électricité », signale Maïté Jaureguy-Naudin, directrice statistique et valorisation des données à RTE.
En parallèle, les énergies renouvelables (Enr) ont continué de croître. La mise en service du premier parc éolien en mer français, au large de Saint-Nazaire, n’est qu’un exemple. 2022 a été ponctuée d’un nombre record d’installations Enr mises en service, avec cinq gigawatts de puissance installée. Côté production, « l’éolien a poursuivi sa progression malgré une année peu venteuse, reprend Maïté Jaureguy-Naudin. Mais c’est surtout le solaire qui a tiré son épingle du jeu, surfant sur un nombre important de nouvelles installations, mais aussi un bon ensoleillement sur l’année. Sa production a augmenté de 30 % par rapport à 2022. »
Si le bilan carbone de notre production d’électricité s’est dégradé, c’est en raison d’un recours accru aux centrales au gaz française. « La filière a été très sollicitée pour pallier la baisse historique de la production sur le nucléaire et l’hydraulique, explique Maïté Jaureguy-Naudin. Au point de devenir la troisième source de production d’électricité française l’an dernier. » RTE précise toutefois que l’électricité produite en France reste parmi les plus décarbonées d’Europe, au troisième rang derrière la Suède et la Finlande.
* corrigée des aléas météorologiques.
À lire aussi