GROS SOUSUn tiers du tabac consommé acheté ailleurs que chez les buralistes ?

Un tiers du tabac consommé en France acheté ailleurs que chez les buralistes ?

GROS SOUSSelon une étude commanditée par les industriels du tabac, un tiers des cigarettes consommées en France proviendrait de l’étranger ou du marché parallèle. A quel point ce chiffre est-il fiable ?
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Une étude commandée par les industriels du tabac montre la part croissant des achats de cigarettes sur le marché parallèle.
  • Près d’une cigarette sur trois serait achetée en dehors du réseau des buralistes, notamment à l’étranger.
  • La douane confirme une hausse globale des tendances de la contrebande et de la contrefaçon.

Deux fois par an, les industriels français du tabac se fendent de communiqués pour dénoncer la part croissante que représentent les achats de cigarettes à l’étranger ou sur le marché de la contrebande. Le dernier en date, publié par la Seita le 20 septembre, affirme « qu’une cigarette sur trois consommées en France ne provient pas du réseau de buralistes ». Un chiffre étayé par une étude intitulée « Empty pack survey », dont il est relativement compliqué de se procurer un exemplaire. 20 Minutes a tenté de vérifier cette allégation.

Pour appréhender cette étude, il faut d’abord savoir que ce sont les industriels du tabac qui en sont à l’initiative. La plus récente, dont le rapport a été remis en juin dernier, a été réalisée en 2021 par KPMG pour le compte de Philip Morris Products SA et s’intitule « Consommation illicite de cigarettes dans l’UE, au Royaume-Uni, en Norvège et en Suisse ». Et pour en lire le contenu, il a fallu que 20 Minutes se débrouille, la Seita ayant refusé de nous transmettre le rapport, expliquant que « l’étude Empty Pack survey est un document interne et n’a pas vocation à être diffusée ».

Une étude de Santé publique France va dans ce sens

Pour résumer, Empty pack survey consiste à collecter des paquets de cigarettes dans les poubelles pour en déterminer la provenance. En France, par exemple, 46.000 paquets ont été récupérés en 2021 dans 126 villes, dont plus de 5.000 rien qu’à Paris. Il en ressort que l’afflux de cigarettes en provenance de l’Espagne a augmenté de 106,45 % en 2021 et de 25 % en provenance de la Belgique. L’étude affirme par ailleurs que 32,7 % des cigarettes consommées en France provenaient du marché parallèle, dont 13,10 % de contrefaçon et 18,20 % d’achats transfrontaliers.

Ces chiffres sont un peu au-dessus de ceux publiés dans une enquête sur les lieux d’achat du tabac, commandée par Santé publique France, en 2018. On y apprend que 77,8 % des fumeurs de cigarettes ont déclaré avoir acheté leur tabac en France et 16,4 % dans un pays limitrophe. Pour autant, ce n’est pas incohérent : « En 2017-2018, nous étions à deux ou trois tonnes de tabac saisies par an pour passer à plus de 20 tonnes entre 2019 et 2021. Et depuis début 2022, la tendance est largement à la hausse », explique Franck Lacroix, directeur régional des douanes de Lille.



Et lorsque la douane parle de saisies, cela concerne aussi bien les trafics d’ampleur de plusieurs tonnes que la contrebande à plus petite échelle. « On voit nettement apparaître et s’amplifier un phénomène de contrebande locale par des personnes qui remplissent un coffre de voiture ou un petit fourgon », poursuit le douanier. D’ailleurs il suffit de poser la question aux fumeurs croisés dans les rues de Lille pour se demander si les chiffres des cigarettiers ne sont pas finalement sous-estimés. Sur une dizaine de personnes interrogées par 20 Minutes, une seule affirmait acheter son tabac uniquement en France. Tous les autres se fournissaient en Belgique lors de voyages plus ou moins réguliers. Deux ont même reconnu effectuer des « achats groupés » pour des amis ou de la famille alors que c’est totalement illégal. Illégal, et mauvais pour la santé.