Michel Rocard: «L'emprunt aura un effet de levier de 60 milliards, ce qui est gigantesque»
INTERVIEW•L'ancien Premier ministre, qui a présenté son rapport ce jeudi matin à Nicolas Sarkozy, explique l'intérêt de l'emprunt national...Propos recueillis par Oriane Raffin
Ce jeudi matin, Michel Rocard et Alain Juppé ont livré les conclusions de la commission qu’ils présidaient au sujet du grand emprunt, promis par Nicolas Sarkozy en juin dernier.
Un emprunt de 35 milliards, c’est finalement loin des 100 milliards évoqués en juin...
Les 100 milliards d’euros étaient un chiffre fantaisiste, qui a d’ailleurs été démenti. Notre problème, c’est que la France est déjà endettée. Nous avons une marge de manœuvre car tout le monde s’est endetté ces derniers mois. 5 ou 6 pays européens sont même proches de la banqueroute. Le trésor français est noté triple A, c’est la meilleure note. Nous voulons la garder, car sinon, le taux de remboursement de la dette augmente.
Nous avons poussé jusqu’à 35 milliards d’euros, sachant que d’autres vont mettre au pot: les entreprises, l’Union européenne, etc. Certains investissements conditionnent même les actions. Donc l’emprunt aura un effet de levier qu’on peut estimer à environ 60 milliards d’euros, ce qui est tout de même tout à fait gigantesque.
L’enseignement supérieur et la recherche vont recevoir 16 milliards, pourquoi privilégier ce secteur?
L’an dernier, le classement des Universités de Shanghai a montré que la France était très mal classée. Notre premier établissement arrive 40ème et parmi les 100 premières Universités, seules trois sont françaises. Ce n’est pas digne de notre pays. On a laissé couler l’enseignement, c’est scandaleux et c’est contraire à l’intérêt même du pays.
Donc nous avons proposé beaucoup d’actions. La plus grosse concerne une dotation en capitaux, qui produiront des intérêts tous les ans. Les dotations concerneront entre 5 et 10 des meilleurs pôles de l’enseignement supérieur français, là où la France a une réputation mondiale. L’idée est de renforcer les points forts.
Ensuite, nous voulons aider le financement des infrastructures de la recherche. Toutes les Universités françaises pourront candidater. Enfin, nous voulons faire émerger des campus technologiques où les universitaires et les chercheurs seraient proches des ingénieurs. Un chercheur américain parle ainsi de l’«effet cafétéria»: c’est le lieu où les ingénieurs et les chercheurs se rencontrent et échangent leurs idées. Il faut encourager le regroupement.
Tous ces projets auront-ils un impact à long terme?
Oui. Nous nous sommes interdits les actions contracycliques. Notre objet n’était pas la sortie de la crise ou la baisse du chômage. Nous sommes là pour le très long terme. Certaines actions, comme celles visant les PME par exemple, pourront avoir un impact d’ici 1 à 2 ans. Mais pour ce qui concerne les Universités, nous finançons de l’immatériel. C’est absolument nécessaire, mais les résultats ne sont pas calculables.