Argent : Changer d’assurance emprunteur reste compliqué, en attendant une simplification
POUVOIR D'ACHAT•La loi Lemoine donnera une totale liberté de choix aux usagers à partir du 1er juinJulie Polizzi pour 20 Minutes
Les banques ont depuis longtemps la mainmise sur le marché de l’ assurance emprunteur. Ni le développement des offres alternatives ni les différentes lois successives visant à faciliter la tâche des ménages qui souhaitent faire jouer la concurrence n’ont jusqu’ici permis de remettre réellement en cause cette position monopolistique. Mais là où les lois Lagarde, Hamon et Bourquin ont échoué, la loi Lemoine espère enfin faire bouger les lignes.
Un monopole de fait
Les établissements bancaires sont, de fait, avantagés par rapport à leurs concurrents externes puisqu’ils proposent aux aspirants à la propriété de souscrire leur assurance emprunteur en même temps que leur offre de prêt immobilier. Cette protection visant à garantir la prise en charge des mensualités en cas de décès, d’invalidité, voire de perte d’emploi est en effet incontournable pour décrocher un financement. Or, une fois le contrat signé, il est très rare de revenir dessus.
D’après le rapport publié en 2020 par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), 88 % des conventions sont détenues par les banques, ce qui laisse une part infime aux contrats alternatifs distribués de façon externe par des intermédiaires de délégation d’assurance.
De gros enjeux financiers
Selon une enquête datant de 2021 de l’UFC-Que Choisir, sur les 7 millions de Français qui ont un crédit immobilier, 80 % ignorent le coût de leur assurance emprunteur. Pourtant, avec 6 milliards de cotisations annuelles, les enjeux financiers sont loin d’être négligeables. Opter pour une délégation d’assurance permettrait ainsi de réaliser en moyenne 10.000 euros d’économies, selon une étude de 2020 du courtier spécialisé Sécurimut (filiale de la Macif).
Au-delà du gain de pouvoir d’achat, c’est l’accès à l’emprunt qui peut être facilité ou au contraire entravé, comme le souligne Sandrine Allonier, directrice des études du réseau de courtage Vousfinancer : « Depuis les recommandations du Haut conseil de stabilité financière, et encore plus depuis qu’elles sont juridiquement contraignantes, l’assurance de prêt, qui est prise en compte dans le calcul du taux d’endettement, est un enjeu pour l’emprunteur. Elle peut représenter jusqu’à 2 points, et donc faire basculer un dossier au-delà des 35 % d’endettement à ne pas dépasser. » Et la spécialiste d’ajouter : « Si instaurer plus de concurrence sur ce marché contribue à faire baisser les tarifs, c’est une excellente nouvelle pour les emprunteurs. Surtout en ce moment pour compenser, au moins partiellement, la remontée des taux de crédit. »
La loi qui fait la différence
L’État a depuis longtemps entrepris de faciliter le changement d’assurance emprunteur. En 2010, la loi Lagarde a permis de souscrire une protection extérieure à la banque, sous réserve d’offrir des garanties équivalentes, au moment de l’obtention du crédit. Depuis la loi Hamon de 2014, vous aviez ensuite un an à partir de la signature pour changer de contrat. Et au-delà de cette échéance, c’est une résiliation annuelle qui s’appliquait en vertu de l’amendement Bourquin de 2018.
Face aux échecs de ces législations successives, la loi Lemoine du 28 février 2022 instaure une résiliation infra-annuelle pure et simple. Dès lors, l’emprunteur pourra changer d’assurance de prêt à tout moment, sans attendre la date anniversaire.