REPORTAGERetour du train des «Contis» à Compiègne

Retour du train des «Contis» à Compiègne

REPORTAGEEn Allemagne, ils espéraient obtenir un plan social...
Angeline Benoit

Angeline Benoit

De notre envoyée spéciale

Il est deux heures du matin, vendredi, quand le train spécialement affrété pour les 1 120 salariés de Continental entre en gare de Compiègne (Oise). L'heure n'est plus au vacarme et à la fanfaronnade après plus de vingt heures de voyage pour manifester à Hanovre avec leurs collègues allemands. Leur objectif: obtenir des actionnaires réunis en assemblée générale un plan social conséquent en contrepartie de la fermeture de l'usine de pneus de Clairoix.

Les ouvriers ont une petite mine en quittant la gare pour rejoindre les cars qui les ramèneront à l'usine, où la plupart ont garé leur véhicule. Pourtant, le retour d'Allemagne n'a pas manqué d'animation. Si l'extinction des feux a été décrétée tôt dans de nombreux compartiments, d'autres ont multiplié les apéros. Des jeunes ont circulé inlassablement «à la queue-leu-leu» en chantant tandis qu'une voix invitait régulièrement les passagers, par les hauts parleurs, à venir «manger du foie gras en voiture restaurant» –une des blagues favorites à bord.

Cent ingrédients dans un pneu

Mais l'avenir du site restait le sujet de conversation principale. «L'usine est désertée depuis le mois de décembre», confiait Hervé Alexandre, 42 ans, du service qualité. «Certaines machines toutes neuves n'ont même pas tourné», confirme un collègue, qui souhaite conserver l'anonymat «parce qu'il faudra bientôt chercher du boulot». En parlant de Clairoix, les Conti s'animent. Des photos et vidéos des robots dernier cri acquis à l'usine circulent tandis qu'ils décrivent les gigantesques hangars du site –certains classés monuments historiques. «Vous savez qu'il y a environ 100 ingrédients dans un pneu dont de l'acier, du tissu et de la gomme», lance Olivier Chesnais, 41 ans.

«On a besoin de savoir comment les gens nous voient, ce qu'ils pensent», s'inquiète un technicien. La manifestation bon enfant de la matinée a laissé la plupart des Conti sur leur faim. «Franchement, terminer avec une chanson! Moi j'attendais autre chose. C'était un troupeau de moutons», résume un salarié. «C'était à l'allemande. Il n'était pas question de ne pas respecter leur manière de faire, beaucoup plus cadrée que la notre, estime un autre.

Lettres de licenciement

Depuis le saccage du système de sécurité, mercredi, par des salariés en colère, l'usine de Clairoix est fermée. Personne ne sait quand les portes rouvriront et les spéculations vont bon train sur l'arrivée des premières lettres de licenciement. «On se demande même si on sera payés en attendant», s'interrogeait hier un grand ouvrier en T-shirt malgré le froid, parce qu'il avait prêté sa veste à un journaliste.