ROSÉ PISCINEEntre stars et riches industriels, le prix des rosés de Provence s'envole

Coincés entre Brad Pitt et Kylie Minogue, les jeunes viticulteurs de Provence galèrent pour produire leur rosé

ROSÉ PISCINEPrisées des célébrités fortunées, des capitaines d’industries et des géants du luxe, les terres viticoles se font rares pour les vignerons en Provence, malgré l’action des pouvoirs publics et de la Safer qui se structure
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Les terres viticoles dans le Var sont prisées des stars et s’arrachent à prix d’or.
  • Les pouvoirs publics tentent de réguler le marché foncier pour installer de nouveaux agriculteurs, nombreux à être candidats.
  • Cela d’autant plus que les vins rosés de Provence se vendent très bien à l’export.

Difficiles pour les jeunes agriculteurs qui ne reprennent pas d’exploitation familiale de se faire une place au soleil. Convoitées, les terres viticoles situées en appellation contrôlée Côtes-de-Provence se vendent à prix d’or.

Selon la localisation géographique, sa proximité du littoral et le bâti lié, l’hectare se négocie de 20.000 euros et peut « dépasser allègrement les 100.000 euros », introduit Bruno Vieuville, le directeur de la Safer du Var, organisme chargé de la régulation du marché foncier agricole. Et de poursuivre : « On constate ces dernières années une forte hausse en Paca et particulièrement dans le Var des mouvements fonciers, avec beaucoup de biens ruraux cédés et une très forte demande en terre viticole ».

De Kylie Minogue à Coco Chanel

Des biens qui séduisent des célébrités, à l’image de Brad Pitt et Angelina Jolie, qui ont fait figure de pionniers en achetant, il y a presque dix ans maintenant, un très charmant domaine à Miraval – pour lequel ils s’écharpent dans le cadre de leur divorce. En mai dernier, George Clooney les imitait en mai dernier avant d’être suivi par Kylie Minogue cet automne. À cela s’ajoute l’appétit remarqué ces deux dernières années « de capitaines d’industrie voulant diversifier leurs capitaux » ou encore des deux géants français du luxe, « LVMH et Chanel », renseigne le directeur départemental de la Safer. C’est ainsi que Chanel est devenu le plus grand propriétaire viticole de Porquerolles.

Des mouvements « hors marché », sur lesquels la Safer peine à intervenir et à jouer son rôle de régulateur en attribuant de terres à des agriculteurs porteurs de projet. Cette dernière ne peut intervenir que lorsque 100 % des parts d’une exploitation sont mises en vente, laissant la voie libre à de subtils montages. Un projet de loi « pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole » est bien à l’étude, mais il semble enlisé.

Installer des jeunes et faire évoluer la loi

Face à des prix prohibitifs, ou presque, l’installation de nouveaux vignerons est difficile. Pour tenter d’y remédier, la Safer a créé l’an passé Terre Adonis, une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), avec la Région et la Coopération agricole. Son but : aider à l’installation de nouveaux agriculteurs en Paca. « On voit depuis quelques années arriver de plus en plus de profils en reconversion professionnelle, c’est-à-dire des gens qui ne viennent pas du milieu agricole », note Camille Gonzales, la directrice de Terre Adonis. « Pour eux, il est très difficile de réunir les fonds pour acheter à la fois le foncier et le matériel. C’est là que nous intervenons ».

Tel Aurélien, qui a pu acquérir 38 hectares dont 9 de vignes en AOC Côtes-de-Provence. Après préemption par la Safer, Terre Adonis supporte la charge foncière le temps que le jeune vigneron lance son affaire. « L’idée est de leur laisser le temps de développer leur affaire et une fois qu’ils sont bien assis, on fait le pari que les banques suivront ».

Le prix des bouteilles a doublé en dix ans et la marque s’exporte très bien

« C’est une marque d’attractivité et de dynamisme », observe Éric Pastorino, le président de l’AOC Côtes-de-Provence, qui regroupe 20.000 hectares de vignes. « Mais c’est vrai que c’est très compliqué pour les agriculteurs qui n’ont pas hérité de terres de s’installer ». Cela d’autant plus que la marque vins de Provence jouit d’une bonne réputation, s’exporte très bien et même de mieux en mieux. Entre 2009 et 2019, la part des exportations des vins de Provence est passée de 7% à 34%, devenant plus important que les ventes en supermarchés. Une progression en volume accompagnée d’une belle croissance en valeur, passant de 2,8 euros HT les 75 cl en 2009 à 5,25 euros dix ans plus tard. Certains crus rares peuvent même dépasser les 100 euros la bouteille. Dans ces conditions, difficile de ne pas vouloir sa place au soleil et les investisseurs sont nombreux. « Un domaine viticole dans le Var, ça fait rêver tout le monde », s’amuse Camille Gonzales, de Terre Adonis.