Y-a-t-il un risque de pénurie de jouets à Noël ?

Pénurie de jouets : Faut-il commencer à s’inquiéter pour Noël ?

CONSOMMATIONLes tensions ne concernent pas tous les produits
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Comme d’autres secteurs, celui du jouet subit des tensions sur l’approvisionnement.
  • Certains articles pourraient manquer dans les rayons, mais une rupture totale n’est pas envisagée.
  • La dépendance à l’Asie pourrait pousser certains acteurs à rapatrier une partie de leur production.

Après les vélos et les semi-conducteurs, voilà le secteur du jouet frappé à son tour par des risques de pénuries et des ruptures d’approvisionnement, avec une crainte grandissante pour Noël. Mi-septembre, le PDG de Système U expliquait sur Europe 1 qu’il avait une « préoccupation » pour certains produits : « on manque de pièces électroniques pour fabriquer des jouets, mais on manque aussi de transports ».

En une phrase, le dirigeant a résumé les problèmes auxquels doit faire face, comme beaucoup d’autres, le secteur du jouet. D’une part, une tension sur les composants et les matières premières – bois, plastique – nécessaires à la fabrication des figurines, des pistolets factices ou encore des tables d’activité. Avec la reprise économique, chaque entreprise, chaque continent, veut s’approvisionner le plus vite possible. Mais la capacité de production, mise à mal par le Covid-19, ne suit pas toujours le rythme. En conséquence, les prix s’envolent : le coût de certains plastiques a plus que doublé entre 2020 et 2021.

Un conteneur qui vaut de l’or

D’autre part, l’approvisionnement est toujours aussi compliqué. « Le gros impact pour nous, c’est le dérèglement du transport maritime », reconnaît Ludovic Martin, PDG de JuraToys, qui possède les marques Janod et Kaloo, bien connues des parents. Son entreprise conçoit les modèles en France, puis fait fabriquer la grande partie de ses jouets en Asie, ce qui suppose de les importer via les porte-conteneurs.

« Avec la reprise mondiale et le manque de navires, le prix des conteneurs s’est envolé, poursuit le dirigeant. Pour une taille "standard" de 40 pieds [environ 12 m], le tarif est passé de 1.500 dollars il y a un an à 12.000 voire 15.000 dollars aujourd’hui. Donc forcément, cela représente un coût financier supplémentaire énorme pour les entreprises. Certaines ont choisi d’attendre de voir si les prix allaient baisser avant de commander ». Mais il n’y a pour l’heure pas d’amélioration en vue.

Des jouets plus chers ?

« Les hausses de prix sont telles que certains jouets resteront en Asie, reconnaît Romain Mulliez, PDG de PicWicToys. Pour nous, le Covid-19 et la désorganisation qu’il a provoquée n’expliquent pas une telle augmentation des tarifs. Il faut que les pouvoirs publics s’intéressent à la manière dont fonctionne le transport mondial de marchandises [où quelques compagnies assurent l’essentiel du trafic] ».

En attendant une éventuelle enquête sur cet oligopole, les conséquences seront réelles dans les magasins. « Il y aura une pénurie sur certains jouets, mais pas de rupture totale » explique Romain Mulliez. Pas de panique donc, vous pourrez toujours acheter cet horrible téléphone lumineux pour votre nièce. En revanche, certains articles en rayon pourraient pâtir des tarifs d’importation : « En fin d’année, le consommateur va payer plus cher ses jouets, et ça sera aussi le cas l’année prochaine, estime Ludovic Martin. Chez nous, les hausses seront en moyenne de 3 %, ce qui reste largement insuffisant pour compenser le surcoût du transport ».

Usines « inadaptées »

Face à cette dépendance vis-à-vis du continent asiatique, certains se posent la question de rapatrier une partie de la production, afin de mieux contrôler la chaîne d’approvisionnement. « Depuis le début de l’année, nous produisons des puzzles et des jeux en carton en France » indique d’ailleurs Ludovic Martin, de JuraToys.

Mais pour Romain Mulliez, « décider de relocaliser la production en Europe, ce sont des changements sur le long terme, ce n’est pas quelque chose qui peut se faire dans l’urgence ». « Nous sommes prêts à favoriser l’économie locale, mais souvent il y a un vrai manque de savoir-faire, avec des usines inadaptées qui manquent de technologie de pointe » regrette pour sa part Ludovic Martin. Pour ce Noël (et les suivants), il faudra donc encore compter sur l’Asie.