Coronavirus à Nice : Comment les commerces font face à la crise ?
EPIDEMIE•Les chiffres ne sont a priori pas alarmants, malgré les confinements et les couvre-feuxElise Martin
L'essentiel
- Les propriétaires de la pizzeria Les Amoureux ont décidé de ne pas proposer de service de livraison à l’annonce du couvre-feu, comme 53 % des restaurateurs d’après une étude de la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur.
- En 2020, il y a eu moins de jugements au tribunal de commerce de Nice pour redressements et liquidations judiciaires qu’en 2019.
- La situation ne tient que grâce aux aides de l’État selon Bernard Chaix, vice-président de la CCI.
«Si on enlève le couvre-feu, en trois jours, on est opérationnel », affirment Ivan Pasquariello et Monica Liberti, les propriétaires de la pizzeria Les Amoureux à Nice. Depuis plus d’un mois, le restaurant est fermé. Le couple d’Italiens ne servait que le soir et ne proposait que la vente à emporter. Quand le gouvernement a annoncé les dernières mesures sanitaires, ils n’ont eu d’autres choix que d’arrêter leur activité.
« On a fait le calcul. C’était trop d’investissements pour ce que ça nous aurait rapporté, détaille Monica Liberto. La mise en place d’un service de livraison, c’est 30 % du prix du plat. Il faut aussi penser au coût de nos produits qui viennent d’Italie et la nourrice pour garder nos enfants. Ça ne valait même pas la peine d’allumer la lumière. »
D’après une étude de la Chambre de commerce et d’industrie de Nice Côte d’Azur réalisée la semaine dernière, 53 % des restaurants n’ont pas mis en place de service de livraison. La principale raison ? « La perte de marge induite sur le chiffre d’affaires est un frein », indique le rapport. Des 47 % qui proposent ce service, deux tiers estiment une perte de plus de 50 % sur leur chiffre d’affaires.
« Le contact est indispensable pour notre type de restauration »
Pour les patrons des Amoureux, c’était 75 % en moins de ce qu’ils faisaient d’habitude. Alors, au-delà du côté pratique, c’est aussi toute leur identité qu’ils ne voulaient pas dénaturer avec la livraison.
Ivan Pasquariello développe : « Le contact est indispensable pour notre type de restauration. C’est primordial d’être à l’écoute et de s’adapter aux besoins de chacun. On veut pouvoir échanger. Ce n’est pas qu’une question de servir un bon plat, c’est un tout de proposer de la qualité. Quand on a dû faire exclusivement de la vente à emporter, on a investi dans des boîtes qui permettaient de ramener la pizza au chaud chez soi. On allait lancer notre site Internet pour commander en ligne et choisir l’horaire pour venir la récupérer sans devoir attendre. On veut devenir aussi qualitatif sur place qu’à distance. »
Pour Bernard Chaix, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur et conseiller municipal, la situation n’est pas la même en fonction des domaines. « Certaines difficultés sont accentuées selon les activités exercées. Les impacts sont différents si l’on est dans la restauration ou dans le vestimentaire ».
À la veille des soldes, il reste confiant : « La grande majorité des commerces fermaient à 19 h. Ils ont compensé cette heure en moins en ouvrant plus tôt ou entre midi et 14 h. Ils trouvent des solutions. Du côté des clients, il y a une phase d’adaptation. Ils ont déjà changé la façon dont ils travaillaient, ils sont en train de changer leur façon de consommer. Et puis, plus personne ne dépense dans les loisirs, ce qui veut dire qu’il y a un pouvoir d’achat à exploiter. Ceux qui voudront dépenser n’auront que l’embarras du choix. »
« Nous sommes sous perfusion, c’est la raison pour laquelle ça tient »
Cet optimisme se ressent aussi dans les chiffres. En comparant la situation de 2020 à celle de 2019, le tribunal de commerce de Nice a connu une baisse de près de 35 % des jugements en redressements judiciaires, près de 40 % en moins de liquidations judiciaires et les déclarations de cessations de paiement ont pratiquement été divisées par deux.
« Nous sommes sous perfusion, relativise Bernard Chaix. Ces résultats, c’est le fruit de prêts garantis par l’État, des assurances, de la compensation de marge. Ça ne tient que parce que l’État est puissant et a mobilisé des fonds d’urgence pour venir en aide aux commerçants. Ce qui domine, c’est la peur du lendemain. Est-ce qu’au fil des semaines et des mois, les critères d’admissibilités ne vont pas se réduire ? Quel commerce va survivre et continuer d’exister ? Tout ça est très fragile. En attendant, il faut utiliser cette période pour être imaginatif et inventif. »
C’est exactement ce que fait le pizzaïolo : « Je travaille avec 25 farines différentes. En ce moment, je fais des essais sur la rétrogradation de l’amidon pour que la pâte soit parfaite, toujours souple même si elle se refroidit. On utilise ce temps pour penser au futur en espérant que les clients pourront vite goûter à mes quatre sortes de Marguerite différentes, avec quatre types de mozzarella et de tomates différentes. »