Confinement : Recommandé, obligatoire... Quelles sont les règles exactes pour le télétravail ?
ASSIGNE A RESIDENCE•Le protocole national a été récemment mis à jour
Nicolas Raffin
L'essentiel
- En pleine deuxième vague de coronavirus, le gouvernement veut obliger les entreprises à mettre leurs salariés en télétravail.
- Cette injonction se fait à travers l’obligation de sécurité de l’employeur.
- Le ministère du Travail promet une « enquête » sur le sujet.
En pleine deuxième vague de coronavirus, le gouvernement durcit le ton sur le recours au télétravail. « C’est une obligation (…) Si toutes vos tâches peuvent être faites à distance, vous devez être cinq jours sur cinq en télétravail » a asséné ce mardi, sur Europe 1, la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
L’exécutif a pourtant longtemps louvoyé sur ce sujet. Début septembre, la même Elisabeth Borne parlait simplement d’une mise en place « de façon organisée ». Fin septembre, elle évoquait un télétravail « très recommandé », mais toujours pas obligatoire, car « les règles en entreprises sont très protectrices ». Mi-octobre, alors que l’épidémie prenait de l’ampleur, c’est Emmanuel Macron lui-même qui préconisait seulement « deux à trois jours de télétravail par semaine », expliquant que la pratique pouvait « isoler les gens ». Ce n’est que fin octobre, avec la mise en place du nouveau confinement au moins jusqu’à début décembre, que l’exécutif s’est résolu à parler de télétravail « obligatoire ». 20 Minutes fait le point sur les règles en vigueur.
Quelles sont les règles actuelles sur le télétravail ?
Malgré l’état d’urgence sanitaire, aucune loi n’impose directement à un employeur de mettre en place le télétravail. « Cette loi pourrait représenter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ou de travailler et risquerait donc d’être censurée par le Conseil constitutionnel » indiquait le mois dernier à 20 Minutes Laurent Parras, avocat en droit du Travail.
Pour le cadre général, il faut donc se référer à l’article L 1222-11 du Code du Travail. Il prévoit qu’« en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie (…), la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ». En plus de cette base légale, un protocole national « pour assurer la santé et la sécurité des salariés » a été édité par le ministère du Travail.
Ce protocole reprend l’argumentation juridique du Code du travail et indique que « dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, [le télétravail] doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent (…) le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. »
Cette obligation peut avoir une incidence sur les dépenses des entreprises. En effet, contrairement à ce qu’affirme le ministère du Travail sur son site, l’employeur est légalement tenu de rembourser les frais professionnels liés au télétravail : cartouches d’encre, papier, mais aussi frais d’électricité supplémentaires, voire une partie du loyer si une partie du logement est dédiée au télétravail. L’Urssaf a publié un guide sur le sujet. Dans la pratique, beaucoup d’entreprises refusent cette prise en charge, et les salariés n’osent pas réclamer ou intenter une action en justice.
Les employeurs qui s’écarteraient du protocole sont-ils hors la loi ?
Oui et non. N’étant pas un texte de loi à proprement parler, le protocole n’a pas de valeur juridique contraignante. C’est en substance ce qu’indique l’ordonnance du 19 octobre 2020 du Conseil d’État. Saisi par un syndicat patronal qui demandait sa suspension, le Conseil d’État indique que le protocole est « un ensemble de recommandations ».
Mais il précise aussitôt que ces recommandations sont « la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur ». Chaque entreprise est en effet responsable légalement de la santé et de la sécurité de ses employés. « Cette obligation de sécurité impose à l’employeur de revoir, au vu des risques et des modes de contamination induits par le virus du covid-19, l’organisation du travail, la gestion des flux, les conditions de travail et les mesures de protection des salariés » poursuit le Conseil d’État.
Autrement dit, « si le protocole ne peut servir, en tant que tel, aux inspecteurs du travail comme fondement d’un procès-verbal, il peut être raccroché aux articles du Code du travail relatifs à la prévention des risques » indique sur son site Benjamin Louzier, avocat associé chez RedLink. Il poursuit : « les entreprises qui décideraient de faire fi du protocole sanitaire ou de ne l’appliquer que «mollement» prennent le risque d’une action judiciaire menée en référé par les syndicats en vue de faire suspendre l’activité sur site en attendant que les mesures de prévention aient été prises ».
La CFDT livre une analyse juridique similaire : « [le protocole] a quand même une force contraignante, certes indirecte (…). Quand bien même il ne s’agit que de recommandations, l’employeur est fortement incité à les suivre s’il veut éviter toute condamnation pénale ou civile ». Par exemple dans le cas où des contaminations interviendraient dans une entreprise alors même que les salariés pouvaient télétravailler.
Comment le ministère du Travail va-t-il contrôler la bonne application de ces règles ?
Le 26 octobre, Elisabeth Borne a indiqué qu’il y avait eu « 55.000 interventions » de l’inspection du travail depuis le déconfinement en mai, ayant abouti à « 300 mises en demeure » adressées à des entreprises qui ne respectaient pas (ou peu) le protocole. Ce mardi, elle a annoncé sur Europe 1 qu’une enquête serait mise en place « à la fin de semaine ». « Les 1.980 agents de contrôle de l’inspection du travail accompagneront les entreprises dans la mise en œuvre du protocole national (...) C’est à l’employeur de déterminer les tâches pouvant être effectuées en télétravail et de s’organiser en conséquence » précise un communiqué du ministère du Travail publié ce mardi.
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