Conso : L’action de groupe se cherche, encore et toujours
ARGENT•Faute d’une procédure efficace, on ne recense qu’une poignée d’affaires depuis 2014Julie Polizzi pour 20 Minutes
Face aux grandes entreprises, les consommateurs se sentent le plus souvent impuissants. L’ action de groupe entendait donc mettre les professionnels au pas en les incitant à adopter des pratiques beaucoup plus respectueuses des droits des usagers.
Mais si les « class action » américaines font depuis plusieurs années plier les géants du marché, l’action de groupe imaginée par la loi Hamon en 2014 est loin d’obtenir pareil résultat.
De grands espoirs
Cette procédure collective permet à des consommateurs victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel de se regrouper pour fusionner leurs affaires, et donc de se défendre avec un seul dossier. Afin d’éviter tout opportunisme, l’action doit être menée par l’une des quinze associations agréées par l’État, qui prend également à sa charge tous les frais de procédure. Si elle a gain de cause, le jugement de principe permettra alors à toutes les autres personnes dans la même situation de faire valoir leur droit à une indemnisation sans avoir besoin de saisir la justice.
Au départ circonscrite à la consommation, l’action de groupe a depuis été étendue aux produits de santé, aux discriminations subies au travail, à la protection des données personnelles et à l’environnement. Il n’empêche, d’après le rapport d’information publié par l’Assemblée nationale en juin 2020, on ne dénombre que 21 actions de groupe en six ans, sachant qu’aucune n’a encore été définitivement tranchée par la justice. Seuls des accords amiables ont jusqu’ici permis aux victimes d’être dédommagées.
Un chemin semé d’embûches
Pour Me Anne-Laure-Hélène des Ylouses, élue du Conseil national des barreaux, « le hiatus fondamental réside dans le fait que la loi a confié l’initiative de cette procédure à des associations qui n’ont pas vocation à mener d’innombrables procès très coûteux en temps et en argent ». Mais de l’avis de Raphaël Bartlomé, le responsable du service juridique d’UFC-Que Choisir, il ne s’agit pas d’un problème de moyens, mais bien de freins procéduraux : il est « difficile de réunir des dossiers suffisamment homogènes pour être éligibles », « la procédure judiciaire est très longue » et les demandeurs se heurtent à une certaine « frilosité des tribunaux face à une matière nouvelle ».
Plus encore, l’expert associatif estime que « l’action de groupe a été amputée, dès le départ, d’une partie de son objet puisqu’en droit de la consommation, elle ne permet d’indemniser que le préjudice économique, en excluant tous les autres (moral, esthétique, réputation…) ». Et de citer l’exemple des automobilistes victimes de l’affaire du « dieselgate », dont l’indemnisation est en bonne voie en Allemagne alors qu’elle est très compliquée en France, puisqu’il faudrait non seulement prouver que cette tromperie a eu un impact économique pour les propriétaires des véhicules concernés, mais aussi pouvoir le chiffrer.
Si les explications divergent, le constat d’échec fait en tout cas consensus. « La crainte de sanctions lourdes devait discipliner les professionnels et les inciter à être beaucoup plus vigilants et respectueux des droits des consommateurs. Hélas, le risque reste largement théorique et donc peu dissuasif », conclut Me des Ylouses. Alors que l’UFC-Que Choisir a déjà cinq actions de groupe en cours, l’association compte en déposer de nouvelles très bientôt, afin de mettre à l’épreuve le dispositif dans tous les domaines possibles.