Déconfinement : Embouteillages en perspective pour l’examen du permis de conduire
AUTOMOBILE•Les mesures sanitaires réduisent notamment le nombre de candidats par jourRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Trois mois après la fermeture des centres d’examens, il est de nouveau possible, depuis ce lundi, de passer le permis de conduire.
- L’addition des 350.000 candidats dont le passage a été annulé pendant le confinement et des nouveaux inscrits crée un embouteillage monstre.
- Les organisations professionnelles demandent des mesures d’urgences, comme l’augmentation du nombre d’inspecteurs et la réouverture des centres secondaires pour désengorger la file d’attente.
Deux semaines après les motos et les poids lourds, les examens pour le permis de conduire « voiture », ou permis B, ont repris ce lundi. Et si les candidats sont impatients de le décrocher, ils vont devoir s’armer de patience. Car d’après le ministère de l’Intérieur, 350.000 examens ont dû être reportés depuis le 13 mars.
Les professionnels du secteur prévoient déjà un embouteillage monstre pour les semaines – et sans doute les mois – à venir.
Trois mois de décalage ? Pas si simple…
« On va commencer par faire passer ceux qui devaient se présenter au moment du confinement. Pour eux, une ou deux heures de conduite et ils seront au niveau », explique Philippe Colombani, président de l’Union nationale des indépendants de la conduite (Unic). Avec cette logique, il suit les directives de la délégation à la Sécurité routière : « Nous encourageons les auto-écoles à respecter l’ordre initial de présentation des candidats. » Faut-il alors considérer que, avec le décalage dû au confinement, les prétendants au permis de conduire verront leur passage reporté (seulement) de trois mois ? Pas si simple en réalité. D’abord parce que les demandes continuent d’affluer, et traditionnellement, le mois de juin et les deux premières semaines de juillet sont des périodes très chargées pour les centres d’examens. L’addition des candidats « repoussés » et des nouveaux inscrits crée donc un engorgement.
« Mais faire des leçons de conduite, ce n’est pas un problème. Nous avons les moniteurs et les voitures », assure Philippe Colombani. Le problème se situerait davantage au niveau des centres d’examen. Selon le président de l’Unic, non seulement la reprise est trop réduite pour diminuer la file d’attente, mais elle devrait même l’allonger. Première explication, le passage de 13 à 11 examens par jour et par inspecteur, pour permettre de désinfecter les véhicules entre chaque candidat. « Mathématiquement, avec plus de candidats et moins de places, l’attente risque d’être longue », se désole Philippe Colombani. Il déplore également le nombre d’inspecteurs insuffisant : « Certains sont considérés à risque face au Covid-19 et d’autres sont absents pour garde d’enfant ». Il prend l’exemple de Bordeaux, où les inspecteurs ne travaillent qu’un jour sur deux, sans que cela soit justifié auprès des auto-écoles.
A ces contraintes, s’ajoute la fermeture des centres d’examens secondaires. Des structures plus modestes, généralement installées loin des villes pour permettre aux candidats de zones reculées de ne pas avoir à faire 100 km pour passer le permis. Faute de commodités, ces centres ne peuvent réouvrir. « C’est incompréhensible, s’étonne Philippe Colombani, d’habitude, les inspecteurs et les candidats utilisent les toilettes du bistrot en face. Là, les bistrots ont rouvert, pourquoi garder les centres fermés ? »
Draps de bain pour l’examen
Le président de l’Unic pointe aussi la désorganisation de l’administration pour expliquer ces retards. La Délégation de la sécurité routière met à disposition des créneaux auxquels les auto-écoles doivent postuler pour obtenir des places. Mais les propositions et les réponses seraient trop tardives : « On peut recevoir les propositions le vendredi soir pour le mardi ou le mercredi matin. On fait notre demande mais parfois, la réponse n’arrive que le lundi. Il faut alors prévenir le candidat qui va vouloir prendre le volant une heure ou deux pour se préparer. Il faut s’organiser pour l’emmener… Alors parfois, on ne peut pas prendre la place. »
Pour illustrer cette situation, Philippe Colombani donne l’exemple d’une déléguée départementale à la Sécurité routière qui, faute de ne pouvoir fournir les protections de sièges obligatoires, a dû « aller avec un collègue acheter des draps de bain chez Decathlon et les coudre elle-même pour que les examens puissent avoir lieu. »
Des sessions en soirée ?
Comme son confrère de l’Unic, Patrice Bessone, président du Conseil national des professions de l’automobile Education routière (CNPA), en appelle aux autorités et demande un « plan Marshall » du permis de conduire. Les places en été sont souvent réduites pour cause de vacances, mais « si on veut résorber les attentes, on ne peut pas faire comme les autres années », estime l’intéressé. Il a fait trois propositions au ministère et attend une réponse pour le début de semaine prochaine. Le CNPA demande 70.000 places d’examens supplémentaires à répartir le samedi et le soir, une réduction du temps d’examen de dix minutes, ce qui permettrait de passer à 14 candidats par jour, et un appel lancé à des inspecteurs à la retraite et à d’autres agents du ministère pour combler le manque d’examinateurs.
En attendant, les auto-écoles gèrent comme elles peuvent l’afflux, comme en témoigne Juliette, employée dans une auto-école du 15e arrondissement de Paris : « C’était de la folie aujourd’hui [lundi], comme depuis deux semaines. Mais il faut les comprendre les jeunes, ils veulent leur permis pour trouver un job d’été ou pour partir en vacances. »