La maison avec jardin, nouveau Graal depuis le déconfinement

Déconfinement en Nouvelle-Aquitaine : « Aujourd'hui, la maison avec jardin a le vent en poupe »

LOGEMENTLes professionnels de l’immobilier se disent surpris par la vitesse à laquelle le marché est reparti, et du fort intérêt pour la maison avec jardin
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Les professionnels de l’immobilier relèvent unanimement un très fort redémarrage du marché depuis la fin du confinement.
  • Le réseau de La Bourse de l’Immobilier enregistre une hausse de 30 % de la demande pour une maison avec jardin.
  • Reste à savoir si cet attrait pour la maison sera très ponctuel, ou s'il s'agit d'un véritable mouvement de fond.

Les deux mois de confinement ont-ils donné des envies de changement d’air aux propriétaires français ? S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, les professionnels de l’immobilier se montrent toutefois soufflés par la vigueur du marché depuis le déconfinement. Et notamment du fort intérêt pour les maisons avec jardin.

Directeur général de La Bourse de l’Immobilier, un réseau de 450 agences en France dont 80 en Gironde, et qui possède son siège social à Bordeaux, Benjamin Salah se dit « surpris par la vitesse à laquelle le marché repart. » Même quand il était à l’arrêt, « on ne croyait pas à un effondrement du marché, mais on s’attendait quand même à un peu plus d’attentisme au redémarrage. Or, depuis la fin du confinement le 11 mai dernier, nous avons une demande très forte, avec une hausse de 30 % par rapport à la normale pour la maison avec jardin », souligne le spécialiste.

« Les acquéreurs sont là »

Perrine Gautheron, directrice de l’agence Les Villas, un réseau spécialisé dans « les belles maisons autour de Bordeaux », confirme. « Sur les deux semaines qui viennent de s’écouler, nous sommes absolument ravis : nous avons réalisé six ventes, dont quatre au prix ! Les acquéreurs sont donc là. De leur côté, les vendeurs ont compris qu’il ne fallait pas laisser tomber leur projet, même s’il a fallu en convaincre certains. »

« Nos acquéreurs ne semblent pas très inquiets pour la suite, et n’ont pas peur de se positionner au prix sur des biens de qualité, note de son côté Lionel Klotz, directeur de l’agence Orpi de Pessac, et président du groupement Orpi en Gironde. Et aujourd’hui il est certain que la maison avec jardin a le vent en poupe, que ce soit en première couronne comme à Pessac, ou en seconde couronne à Langon ou Créon. Les gens qui ont été confinés dans des appartements sans sortie, voire sans soleil, ont été un peu traumatisés. »

Conseillère immobilière pour propriétés.privées.com en Gironde, Agnès Anton relève aussi une vraie dynamique. « Sur mon secteur situé entre le bassin d’Arcachon et Bordeaux, j’ai vendu quatre maisons et deux terrains en moins de trois semaines, dit-elle. C’est beaucoup, même s’il est difficile de savoir s’il s’agit réellement d’un nouvel intérêt pour la maison. »

« On sent que la qualité de vie prédomine »

Les raisons qui expliquent cette dynamique peuvent en effet être variées. « Y a-t-il un effet de rattrapage, avec les gens qui n’ont pas pu concrétiser leurs projets pendant le confinement, ou est-ce un phénomène plus profond, c’est un peu tôt pour le dire, analyse le directeur de La Bourse de l’Immobilier. En tout cas, nous enregistrons un flux important de nouveaux clients, qui se sont manifestés après le confinement, et qui ont pris des décisions de changement de vie. On sent que la qualité de vie prédomine, qu’être bien chez soi est quelque chose de finalement fondamental. »

Si Perrine Gautheron relève « quelques appels de propriétaires du centre de Bordeaux ou du Bouscat, qui réfléchissent à déménager en banlieue dans des endroits plus calmes », actuellement ses acquéreurs sont en grande majorité des cadres mutés en Gironde pour la prochaine rentrée. « Je travaille beaucoup avec les grandes entreprises de l’aéronautique basées autour de l’aéroport de Mérignac, et toutes les mutations dont on s’occupait en mars sont confirmées. Ils sont pressés d’acheter, et ceux-là ne seront plus sur le marché en septembre, cette euphorie que l’on vit depuis quelques jours va donc se tasser. »

« C’est toujours délicat de prévoir ce qu’il va se passer, mais je pense quand même que l’attrait pour la maison va durer, les esprits ont été marqués par le confinement », pense de son côté Lionel Klotz.

En ville, un extérieur fait grimper de 8,8 % la valeur d’un appartement

En ville aussi, le marché reste dynamique. Mais il évolue légèrement. « La demande est soutenue dans le centre de Bordeaux, assure Benjamin Salah, avec un peu plus d’exigence de la part des clients pour une terrasse ou un balcon. Pour certains, cela devient quasiment indispensable. » « L’appartement sans extérieur est un peu mis de côté pour l’instant », souligne aussi Lionel Klotz.

C’est dans ce contexte que le site Meilleurs Agents s’est penché sur la valeur de ces extérieurs, dans les onze grandes villes de France. Dans une étude publiée lundi, on y apprend ainsi qu’une terrasse ou un balcon fait grimper le prix des appartements de 8,8 % en moyenne.

« Pendant le confinement, on a vu des citadins rêver de campagne »

« On savait qu’un extérieur était une plus-value pour un bien immobilier, mais nous avons eu des surprises, notamment sur l’impact des grandes terrasses – particulièrement en dernier étage – qui est de plus de 30 % sur le prix, relève Thomas Lefebvre, directeur scientifique du site. Le jardin en rez-de-chaussée est aussi une vraie plus-value. »

Le marché dans les grandes villes, sortira-t-il pour autant bouleversé de ce confinement ? Thomas Lefebvre n’en est pas convaincu. « Pendant le confinement, on a vu des citadins rêver de campagne, calculer ce qu’ils pourraient s’acheter en vendant leur appartement, ou combien leur coûterait une terrasse… De là à ce que ça devienne une réalité, il y a un monde. L’offre de logement est tellement rare dans la plupart des grandes villes de France que je ne suis pas certain que la terrasse ou le balcon deviennent un critère principal d’achat. Mais c’est une vraie question, qu’il va falloir suivre dans les prochains mois. »

Des « opportunistes » misent sur une baisse du marché

Pour ces professionnels de l’immobilier, il ne fait toutefois guère de doute que l’évolution du marché sera corrélée à la reprise économique. « Le positionnement des établissements bancaires, et les conditions d’octroi des prêts immobiliers, inquiètent aussi un peu, ajoute Benjamin Salah. Tout comme la crainte d’une remontée des taux d’intérêt. »

Pour Perrine Gautheron, « tout se jouera sur le climat des grandes entreprises, et sur le télétravail. Est-ce qu’il va se généraliser au moment où les entreprises reprendront une activité normale ? Si c’est le cas, les gens iront certainement chercher des maisons plus en retrait de leur lieu de travail. Mais cela reste un point d’interrogation. »

Certains acheteurs anticipent en tout cas déjà un ralentissement économique, et misent sur un marché à la baisse. « Nous rencontrons un nouveau type d’acquéreurs qui arrivent sur le marché, relève Perrine Gautheron, ce sont les opportunistes qui misent sur une éventuelle baisse de prix. Ils visitent, et font des offres très basses, qui leur sont pour le moment fermement refusées. Je suis convaincue qu’ils font fausse route. » Rendez-vous, très certainement, à la rentrée prochaine.