INTERVIEWAnne-Claire Goyer, « submergée d’appels » pour travailler dans ses serres

Coronavirus : « On ne s’attendait pas à avoir autant d’appels pour nous aider », témoigne Anne-Claire Goyer, dirigeante d’une exploitation maraîchère

INTERVIEWAnne-Claire Goyer a dû réorganiser son exploitation de tomates suite à la mise en place du confinement
Nicolas Raffin

Propos recueillis par Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Plus de 200.000 personnes ont répondu à l’appel national lancé pour compenser le manque de travailleurs saisonniers dans l’agriculture.
  • Parmi eux, plusieurs sont venus travailler dans les serres de tomates d’Anne-Claire Goyer.
  • L’exploitante a été surprise de l’afflux de volontaires, parfois novices.

Comme des milliers d’exploitants agricoles, Anne-Claire Goyer a pris la crise du coronavirus de plein fouet. Productrice de tomates cultivées en serres dans les Pays de la Loire, elle s’est retrouvée avec un effectif réduit, certains de ses salariés étant obligés de rester à la maison pour garder leurs enfants.



Face à cette situation, elle a bénéficié d’une main-d’œuvre inattendue. A l’appel du ministre de l’Agriculture, des milliers de Français, placés en chômage partiel ou en inactivité, ont en effet décidé d’aller « travailler dans les champs ». Anne-Claire Goyer raconte à 20 Minutes cette nouvelle organisation, qui devrait lui permettre d’assurer en partie sa production annuelle de 6.000 tonnes.

Avez-vous recruté des personnes actuellement en chômage partiel ?

Nous avons quelques personnes qui sont venues nous prêter main-forte pour renforcer les équipes. Ce sont des profils assez inhabituels : un coiffeur, un paysagiste, des personnes qui sont sur les marchés. Au total, sur une centaine de saisonniers, une dizaine environ a habituellement un autre métier. Ils travaillent à la récolte et à l’effeuillage (entretien des plantes) sept heures par jour, payés au Smic.

Lorsque le ministre de l’Agriculture a confirmé qu’on pouvait cumuler le chômage partiel avec un autre travail, nous avons été submergés d’appels, on ne s’attendait pas à en avoir autant. Beaucoup de gens qui habitent à côté de nos serres nous ont contactés directement pour savoir si on avait besoin d’aide. De manière globale, je trouve que c’est intéressant de faire découvrir nos métiers à des gens qui ne viennent pas forcément de notre secteur. Et cela peut permettre de s’aérer l’esprit pendant le confinement. Enfin, pour nous, c’est essentiel, car avril est une période de récolte importante.

N’importe quel salarié en chômage partiel peut-il venir vous aider ?

Pas forcément. Chez nous par exemple, on privilégie les gens disponibles sur une durée assez longue, plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Il faut au moins une semaine ou deux pour former quelqu’un, pour l’initier à la maturité des fruits, à la technique de récolte. Le temps passé à former doit donc être pris en compte, parce que pendant cette période, la personne est moins efficace.

Idéalement, il faudrait que les personnes soient disponibles jusqu’à fin août, donc ce n’est pas compatible avec tous les métiers. Nous avons aussi besoin de personnes qui soient là 35 heures par semaine, et pas seulement quelques heures.

Comment préservez-vous la santé de vos salariés, nouveaux ou anciens, face au coronavirus ?

Nous avons la chance de travailler dans de grands espaces. Dans les serres, les rangs de tomates font 90 mètres de long et il y a une personne par rang, donc c’est un travail assez solitaire. Par ailleurs, nous avons échelonné les heures d’embauche pour éviter qu’il y ait trop de monde en même temps sur l’exploitation.

Il y a aussi d’autres mesures que nous avons mis en place depuis des années. Nous avons des pédiluves à l’entrée de chaque serre et du gel hydroalcoolique, pour éviter de propager les maladies de la tomate et pour protéger les plantes. Du coup, ça sert dans ce contexte d’épidémie. En revanche, nous avons choisi de donner nos masques au personnel soignant, donc nous sommes en rupture de stock. Certains viennent travailler avec des masques faits maison.

Certains agriculteurs ont du mal à écouler leur production ces dernières semaines. Est-ce votre cas ?

En termes de débouchés, les grandes enseignes ont vraiment basculé sur la production française. On n’a pas besoin de stocker, alors que les années précédentes, on avait plus de mal face aux tomates importées du Maroc, par exemple. Ce changement s’est clairement ressenti à notre échelle, la grande distribution a vraiment joué le jeu. J’espère que cela permettra de se poser les bonnes questions une fois que la crise sera finie.