Coronavirus à Bordeaux : Les viticulteurs redoutent un manque de main-d’œuvre
EPIDEMIE•Dans moins de trois semaines débutent des travaux d’épamprages puis de levage de la vigne qui demandent beaucoup de main-d’œuvreM.P. avec AFP
L'essentiel
- L’épidémie de Covid-19 accentue la crise du monde viticole bordelais. Alors que les ventes en France chutaient déjà et que les exportations plongeaient, un manque de main-d’œuvre pour les travaux de printemps se profile.
- Le nouveau coronavirus met, en effet, un coup de frein à la venue des travailleurs étrangers, tels que les Espagnols, les Roumains ou les Bulgares.
- Quand certains viticulteurs s’inquiètent, d’autres sont plus optimistes et se demandent si travailler en plein air en période de confinement ne pourrait pas être séduisant pour « les jeunes qui voudraient avoir un sésame pour prendre l’air ».
Ils terminent la taille des vignes, en tentant de respecter les consignes sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19. Mais le plus dur est à venir pour les viticulteurs bordelais : un manque de main-d’œuvre pour les travaux de printemps se profile. Le nouveau coronavirus confine les employés, les saisonniers et met un coup de frein à la venue des travailleurs étrangers, tels que les Espagnols, les Roumains ou les Bulgares.
« Il risque d’y avoir une pénurie de main-d’œuvre et il va falloir prioriser les chantiers », prédit Edouard Descamps, gérant de la société Viti Morley qui emploie jusqu’à 150 saisonniers. « En Gironde, on va être confronté à un vrai souci d’ici deux semaines, mais dans le Sud, les premières feuilles sont là et c’est déjà le temps du premier traitement, du levage de la vigne et ils manquent clairement de mains. Ils font déjà appel à des sociétés de prestations agricoles », assure, de son côté, Cédric Coubris, président des vignerons indépendants de Gironde et propriétaire du Château la Mouline (en appellation Moulis).
« On va fermer les chais »
Ici, les salariés sont restés chez eux pour garder les enfants ou « tout simplement parce qu’ils ont le droit en cette période anxiogène », explique Cédric Coubris à 20 Minutes. Pareil au château Beauregard (appellation Pomerol). Sur les 11 salariés de cette propriété en agriculture biologique près de Saint-Emilion, deux employés gardent leurs enfants et deux autres sont au chômage partiel, le château ayant fermé ses portes aux touristes. Les autres font du télétravail pour la partie administrative ou travaillent dans les vignes. « Dans les chais, on finit la surveillance des lots, les dernières analyses, le remplissage des barriques… Comme toute l’activité commerciale est à l’arrêt, on va les fermer », détaille le directeur général Vincent Priou.
« On a des véhicules à neuf places, là c’est réduit à un par banquette. On a réduit nos équipes à six personnes alors qu’elles peuvent atteindre jusqu’à 20 personnes », explique, pour sa part, Benjamin Banton, gérant de la société Banton & Lauret, prestataire de services en viticulture.
« La vigne, c’est une liane, tu ne peux pas l’abandonner »
Sur 230 personnes en CDI, seules celles nécessaires dans les vignes et pour les travaux les plus urgents aux chais continuent leur activité, avec un taux d’absentéisme de 30 %. « On est un peu dépourvu de main-d’œuvre aujourd’hui mais on continue d’assurer nos activités. On se pose des questions pour dans trois semaines avec le début des travaux d’épamprages [enlever des rameaux d’un cep de vigne] puis de levage qui demande beaucoup de main-d’œuvre », s’inquiète Benjamin Banton.
« La vigne, c’est une liane, tu ne peux pas l’abandonner, renchérit Cédric Coubris. Sans main-d’œuvre, le scénario le plus terrible serait celui d’une année sans récolte. Et le pic de l’épidémie arrive pile poil au moment où nous allons avoir besoin de bras pour travailler cette vigne, la traiter, l’entretenir pour le nouveau millésime, pour ne pas qu’elle nous échappe et se casse. »
« En pleine période d’assemblage et d’analyses, et tout tourne au ralenti »
Alors en attendant ce pic tant redouté, les propriétés viticoles prennent soin de leur vigne en respectant des mesures de précaution contre le Covid-19. Au Château Beauregard, « chaque personne travaille à distance, un rang sur deux ». Ailleurs, on gère également la désinfection du matériel [comme les tracteurs s’ils passent d’une personne à une autre], les repas en solo et la distribution du gel hydroalcoolique. « On ne va pas non plus se plaindre, on est confinés dans nos exploitations, glisse Cédric Coubris. Mais il faut quand même comprendre que c’est toute la chaîne qui est touchée. C’est le temps de la mise en bouteilles de notre production alors que les labos passent d’une équipe de dix à deux personnes. On est en pleine période d’assemblage et d’analyses, et tout tourne au ralenti. »
Au château Chillac, au sud de Bordeaux, Laurent Cassy, se fait plus optimiste et mise sur le « cadre de travail séduisant en période de confinement ». « Le manque de main-d’œuvre, c’est notre inquiétude permanente de toutes les façons, explique à 20 Minutes le président du syndicat des vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine. On a cependant la chance de travailler en extérieur, dans des conditions agréables et ça pourrait inspirer les jeunes qui voudraient avoir un sésame pour prendre l’air. »