Coronavirus : L’industrie française du luxe doit-elle s’inquiéter de la crise ?
MONDIALISATION•L’épidémie est encore loin d’être contenue et inquiète jusqu’à l’industrie du luxe et de la modeNicolas Raffin
L'essentiel
- L’épidémie de coronavirus touche de nombreux secteurs économiques, dont celui du luxe.
- La Chine, qui consomme énormément de produits de luxe, a vu son activité fortement réduite.
- Le secteur du tourisme est lui aussi frappé de plein fouet.
En Chine comme dans beaucoup d’autres pays, l’accessoire tendance de ce début d’année 2020 n’est ni un sac Louis Vuitton, ni un carré Hermès, mais bien un masque chirurgical pour se préserver du coronavirus. Au-delà de cette simple image, une réalité : le secteur du luxe, qui est l’un des moteurs des exportations françaises (l’excédent commercial du secteur était de 26,9 milliards d’euros en 2019), a été touché par la propagation mondiale de l’épidémie.
Mi-février, le PDG du groupe Kering (Gucci, Saint-Laurent…), François-Henri Pinault, constatait « une forte baisse des ventes et de la fréquentation en Chine continentale ». Au début du mois, Capri Holdings (qui détient les marques Versace, Michael Kors, Jimmy Choo) annonçait de son côté que la situation en Chine entraînerait un manque à gagner d’environ 100 millions de dollars sur son chiffre d’affaires.
L’Asie, un continent stratégique
Les mesures de confinement décidées par Pékin ont en effet conduit de nombreux Chinois à réduire leur consommation au strict minimum. Par ailleurs, à l’instar des usines, de nombreuses boutiques de luxe ont été fermées plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui a pénalisé l’activité des marques. Le britannique Burberry a par exemple fermé un tiers de ses magasins de Chine continentale (24 sur 64) début février.
La Chine est un pays clé pour les groupes de luxe. L’Asie (hors Japon) contribue ainsi pour 30 % aux ventes totales de LVMH, 38 % pour Richemont, 32 % pour Kering et 36 % pour Hermès, selon des données compilées par l’AFP. Face au ralentissement de la consommation, les entreprises françaises du luxe ont vu leur valeur boursière diminuer : LVMH, coté au CAC 40, a perdu 10 % entre la mi-février et ce mercredi, tout comme Kering (-12 %). Même si les autorités chinoises ont affirmé ce mercredi que les décès liés au coronavirus étaient en forte baisse, poussant ainsi à la reprise de l’activité économique, le monde du luxe n’est pas encore tiré d’affaire.
Un flux touristique qui se tarit
Car au-delà des ventes sur le territoire chinois, le coronavirus influence également les flux touristiques en provenance de Chine. L’Empire du Milieu est normalement le premier pays « émetteur » de touristes, avec près de 150 millions de voyages à l’étranger comptabilisés en 2018 par l’Organisation mondiale du tourisme. Un chiffre qui a plus que triplé en dix ans. Lors de leurs séjours à l’étranger en 2018, les Chinois ont dépensé 277 milliards de dollars, ce qui en fait les touristes les plus dépensiers, toujours selon l’OMT.
Par ailleurs, lorsqu’ils viennent en Europe, l’habillement de luxe arrive en tête de leurs achats détaxés (43,7 %, avec un panier moyen de 1.281 euros), suivis par les grands magasins (23,8 %, 1.172 euros), selon la société spécialisée dans la détaxe Planet. Or depuis quelques semaines, le nombre de touristes chinois est en chute libre, notamment en région parisienne, car le trafic aérien a été fortement réduit. « Les réservations de touristes chinois ont diminué de 80 % au mois de janvier et sont en baisse de 100 % pour le mois de février » indiquait ce mardi Didier Kling, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile-de-France, sur BFM TV. Moins de touristes, cela signifie mécaniquement moins d’achats dans les boutiques de luxe et les grands magasins. De manière plus symbolique, la Fashion Week de Paris, qui a démarré le 24 février, doit aussi faire face à l’absence des influenceurs chinois, qui contribuent au rayonnement des marques en postant les créations sur les réseaux sociaux.
Pour l’industrie du luxe, il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de l’impact du coronavirus. Si les géants du luxe européens « ont de la marge pour résister à un impact modéré sur leurs revenus », ces répercussions dépendront aussi « de la vitesse à laquelle le virus peut être contenu », estimait début février l’agence de notation Standard and Poor’s. Pour l’instant, c’est loin d’être le cas.