REPORTAGEA Paris, les égoutiers défendent leurs conditions de départ à la retraite

Réforme des retraites : Corde au cou, cercueil… Les égoutiers craignent pour leurs vieux jours et le font savoir

REPORTAGEVenus manifester contre la réforme des retraites ce jeudi à Paris, les égoutiers dénoncent le futur système universel qui ne tient pas compte de l’insalubrité de leur métier
Catherine Abou El Khair

Catherine Abou El Khair

L'essentiel

  • Ce jeudi, jour de manifestation interprofessionnelle contre la réforme des retraites, les égoutiers ont défilé pour défendre leurs conditions de départ à la retraite.
  • Exposés à la pénibilité et l’insalubrité, ils n’imaginent pas un départ à la retraite à 60 ans ou plus.
  • Plusieurs d’entre eux détaillent à 20 Minutes leurs conditions de travail et leurs inquiétudes.

Ils ne plaisantent qu’à moitié avec la réforme des retraites. Ce jeudi à Paris, en ce jour de manifestation interprofessionnelle, les égoutiers font leur show. Avec de l’humour, certes, mais de l’humour noir. C’est autour d’un cercueil ouvert que plusieurs dizaines d’entre eux descendent le boulevard Magenta, vêtus pour certains de leur bleu de travail. De quoi faire passer un message clair : pour la profession, partir plus tard à la retraite, c’est réduire leurs chances de profiter de leurs vieux jours. « Il n’y a pas de vieux égoutiers, on n’a pas beaucoup de retraités », affirme Nicolas Joseph, secrétaire du CHSCT au service d’assainissement de la Ville de Paris. La profession est en effet sujette à une « surmortalité » et à de nombreux risques professionnels, a constaté l'Anses, en 2016.

« Mise en scène soignée pour les égoutiers venus défendre leurs conditions actuelles de départ à la retraite #greve6fevrier pic.twitter.com/oAYVAYTdTd – Catherine Abou (@catherinemabuse) February 6, 2020 »

Des « catégories actives » qui vont disparaître

La réforme instaurant un système universel de retraites fait bondir les égoutiers. Comme les éboueurs, qui bloquent des sites d’incinération en Ile-de-France et à Marseille, ils expriment leur colère. « Le 8 janvier, on nous a annoncé la fin des catégories actives », explique Guillaume, 36 ans, responsable d’un atelier d’égoutiers à Paris. Dans les fonctions publiques, faire partie de cette catégorie permet de pouvoir liquider sa retraite dès l’âge de 57 ans à condition d’avoir travaillé sur ces fonctions sur une durée de 15 à 17 ans. Et en faisant partie de la catégorie « insalubre », qui concerne aussi certains égoutiers en particulier, l’âge est avancé à 52 ans.

« Responsable d’un atelier d’égoutiers à Paris, Guillaume explique les enjeux de la réforme pour cette profession venue manifester aujourd’hui à Paris pic.twitter.com/neJbhb3R20 – Catherine Abou (@catherinemabuse) February 6, 2020 »

Attachés à ces classifications, ces agents s’interrogent : vont-ils devoir travailler jusqu’à 60 ans, voire plus, dans le nouveau système ? Impensable pour une profession exposée notamment à des risques chimiques et biologiques, à des gaz d’égouts potentiellement mortels, mais aussi à chutes, des noyades, des troubles musculo-squelettiques… « On demande qu’on nous tende la main, qu’on nous soutienne », poursuit le trentenaire. Pour enfoncer le clou, il manifeste ce jeudi la corde au cou.

« Je n’aime pas mon métier »

« On fait un métier insalubre et pénible, j’ai signé en connaissance de cause. Mais on savait qu’on pouvait partir 10 ans plus tôt », insiste aussi Carine Moretti. Agée de 40 ans, la manifestante débraye régulièrement depuis quelques semaines en guise de protestation. Egoutière depuis 11 ans, elle est chargée de vérifier l’absence de fuites d’eau dans les réseaux en sous-sol et de s’assurer de la bonne évacuation des eaux usées, venant des caniveaux comme des immeubles.

« On marche dans des déjections humaines. On respire des gaz qui peuvent s’échapper des tapis de graisses liés à l’accumulation de déchets », illustre-t-elle. Si la réforme des retraites venait à passer telle qu’elle, Carine se verrait obligée de quitter son métier. « Je ne laisserai pas ma santé en jeu », affirme-t-elle.

« Je n’aime pas mon métier », lance de son côté Laurent, adhérent CGT et chargé de « curer » les égouts à l’aide des bateaux vannes. Agé de 48 ans, il devrait faire valoir ses droits à la retraite vers les 54 ans grâce à ses 22 ans de service. S’il lui reste encore quelques années de travail, il ressent un « ras-le-bol général » depuis deux ans. Son métier, physique, lui « use le dos, les avant-bras », explique cet agent. Pour lui, partir à la retraite de manière anticipée et bénéficier de la stabilité de l’emploi en tant que fonctionnaire sont les deux avantages qui l’ont amené à faire ce métier. D’où sa détermination à manifester ce jeudi. Et à faire grève.