VIDEO. Marseille: La cérémonie Miss France 2020, jackpot ou gouffre financier ?
ECONOMIE•Pour la première fois, Marseille accueille la cérémonie Miss France, avec l'espoir d'engendrer pas moins d'un million d'euros de recettesMathilde Ceilles
L'essentiel
- La cérémonie Miss France se déroule cette année à Marseille.
- La ville a déboursé une subvention de 150.000 euros pour accueillir les Miss à Marseille, une somme inacceptable pour l’opposition.
- Les professionnels du tourisme sont persuadés de l’effet d’aubaine, et tablent sur des retombées économiques considérables.
J-10. Le 14 décembre prochain, trente candidates de 18 à 24 ans tenteront de chiper l’écharpe de Miss France qu’a portée toute cette année Vaimalama Chaves, Miss France 2019. Pour la première fois dans l’histoire du concours, cette cérémonie se tiendra à Marseille, où séjournent les Miss depuis quelques jours, et ce jusqu’à l’élection.
Il faut dire que, à en croire la mairie de Marseille, la cérémonie Miss France organisée au Dôme est une véritable aubaine économique pour la deuxième ville de France. « C’est la récompense d’une politique de grands événements mis en place à Marseille », estimait il y a quelques mois Jean-Claude Gaudin, plaçant ainsi au même niveau l’élection de Miss France et des manifestations internationales qu’a accueillies Marseille comme l’Euro 2016 ou Marseille capitale européenne de la Culture.
« Je ne vois pas les gens chercher les Miss »
Mais combien rapporte réellement la cérémonie Miss France aux villes hôtes ? La question, simple, ne l’est pas tant que ça. Contactée, la métropole européenne de Lille, qui a accueilli l’an dernier la précédente élection, indique que, pour un budget total de 474.000 euros, la métropole a bénéficié de « 2.800 nuitées des délégations des différents comités » et « de nombreuses retombées médiatiques », grâce notamment aux 7,5 millions de téléspectateurs et aux « images du territoire pendant la soirée », sans plus de précisions, notamment chiffrées.
« Je ne vois pas les gens chercher les Miss aux quatre coins de la ville, peste Benoît Payan, chef de file du groupe socialiste au sein du conseil municipal de Marseille. Le dynamisme économique d’une ville ne se mesure pas en nombre de Miss France, mais dans le nombre d’entreprises créées ou la capacité à vivre de manière harmonieuse dans une Ville. Si cette majorité imagine dynamiser l’économie en accueillant les Miss France, c’est pathétique. »
Une subvention de 150.000 euros
Et de déplorer la subvention de 150.000 euros débloquée par Marseille pour l’organisation de cette cérémonie, alors que l’endettement de la ville a été récemment souligné dans un rapport au vitriol de la chambre régionale des comptes. « Les Miss sont bienvenues à Marseille, mais accorder cet argent public pour engraisser une entreprise, en l’occurrence, Endemol, qui réalise un chiffre d’affaires de 1,8 milliards d' euros, c’est inacceptable. Il serait mieux employé envers des associations marseillaises qui luttent contre les violences faites aux femmes. »
« Déjà, cette subvention a été reversée à l’office du tourisme, rétorque Yves Moraine, président du groupe majoritaire au sein du conseil municipal. Et ce n’est pas parce qu’on est endetté que cela voudrait dire qu’il ne faut plus faire aucun événement à Marseille. C’est le rôle d’une municipalité comme la nôtre de créer des événements qui bénéficient à nos entrepreneurs ! »
Un million d’euros de retombées directes
« En termes de dépenses, il faut compter l’hébergement des Miss et les dépenses techniques au Dôme liées à l’organisation de la soirée », justifie Maxime Tissot, président de l’office du tourisme. Un budget estimé à 480.000 euros, entièrement couvert, selon Maxime Tissot, par cette subvention et par les recettes de la billetterie pour la soirée, complète en à peine 17 minutes, et de la répétition générale, dont quelques 500 places sur les 4.000 disponibles sont encore à la vente.
« On estime en retour les retombées directes à plus ou moins un million d’euros, avance Maxime Tissot. Déjà, l’ensemble des prestataires de la soirée sont des prestataires de la région. Cela fait travailler le tissu local. On a aussi 240 nuitées assurées pour les techniciens le soir du 14, qui est en direct. Ils vont loger autour du Dôme, dans les hôtels à Saint-Just et les alentours. Il a aussi les familles des Miss et les spectateurs qui viennent assister à l’élection. »
Publicité gratuite
Mais les spectateurs ne sont-ils pas tout simplement de la région, de passage au Dôme pendant quelques heures ? « Dans mon hôtel, situé sur le Vieux-Port, il y a un faible impact sur les réservations ce week-end-là, reconnaît Nicolas Guyot, président des hôteliers Bouches-du-Rhône. Mais même si c’est une clientèle locale, cela va consommer, dans des restaurants, des visites, du shopping. Il y a une vraie clientèle, dans une période où nous devons faire face, pour la clientèle loisirs, à la concurrence du ski, et qui est une période de creux pour le tourisme lié aux congrès. » Pour mesurer cet impact, Maxime Tissot promet la réalisation de plusieurs études, notamment une par un cabinet spécialisé, qui va, entre autres, distribuer aux spectateurs de la soirée un questionnaire afin de connaître leur provenance.
Les professionnels du tourisme se réjouissent surtout de la publicité faite autour de Marseille à travers cet événement. Selon TF1, l’élection 2019 a décroché la deuxième meilleure audience de l’année avec 7,5 millions de spectateurs. Au moment du sacre, 9 millions de téléspectateurs étaient réunis.
Une cérémonie déjà entachée de polémiques
Or, outre les articles de presse en amont, un film promotionnel sur Marseille d’une durée de quatre minutes sera diffusé pendant la cérémonie. « Je me suis renseigné auprès de TF1, pour la coupe du monde de football féminin, c’était 95.000 euros les 45 secondes à 20 h 30, et là, on va avoir quatre minutes ! », se réjouit Maxime Tissot. « On va parler de Marseille à une heure de grande écoute, abonde Nicolas Guyot. Qu’on parle de nous en bien ou en mal, pour nous, pourvu qu’il y ait le buzz ! »
Reste à savoir si l’audience sera au rendez-vous compte tenu de la polémique qui entoure l’élection cette année. Samedi soir, sur France 2, Laurent Ruquier a lancé un appel au boycott de la cérémonie : « si on veut être féministe, on doit boycotter aujourd’hui le concours des Miss France. Ce sera déjà un bon début ! », a-t-il dit dans son émission On n’est pas couché.