Bordeaux : L’Inde prend livraison de son premier Rafale à l’usine Dassault de Mérignac
AVIATION•La France a livré ce mardi le premier des 36 Rafale commandés par l’Inde en 2016
M.B. avec AFP
L'essentiel
- La cérémonie s'est tenue sur le site du constructeur Dassault Aviation à Mérignac, près de Bordeaux.
- New Delhi avait commandé 36 exemplaires de l’avion de combat français à l’issue d’une longue procédure.
- Le Rafale est utilisé par l’Armée de l’air française depuis 2004, mais a eu de la peine à s’exporter pendant des années.
L’Inde a pris livraison ce mardi du premier des 36 Rafale commandés en septembre 2016 à la France qui lorgne de nouveaux marchés pour le renouvellement de la flotte vieillissante d’avions de combat indienne.
La cérémonie, qui s'est déroulée le jour où l’Indian Air Force célèbre son anniversaire, s'est tenue sur le site du constructeur Dassault Aviation à Mérignac, près de Bordeaux, en présence de la ministre française des Armées Florence Parly et de son homologue indien Rajnat Singh.
« Les relations bilatérales entre la France et l’Inde ont énormément progressé ces dernières années. Je me réjouis à l’idée de renforcer et d’approfondir ces liens », a affirmé le ministre indien sur Twitter avant de s’envoler pour la France.
Un appareil développé spécialement pour l'Indian Air Force
Devant un Rafale frappé d'une cocarde aux couleurs indiennes, le ministre indien de la Défense Rajnat Singh a ensuite salué un « jour historique pour les forces armées indiennes ».
Le ministre, qui devait voler à bord de l'appareil dans l'après-midi, a auparavant visité au pas de charge le hall d'un blanc immaculé, où quatre Rafale destinés à New Dehli étaient en cours d'assemblage final. Trois Rafale sont déjà terminés, mais ils ne rejoindront l'Inde qu'en mai, une fois la formation des premiers pilotes achevée. Les livraisons doivent s'étaler jusqu'en 2022.
Le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier a souligné pour sa part « le lien stratégique unique et fort qui unissait nos deux pays », ajoutant que l'appareil avait été « développé spécialement pour répondre aux besoins extrêmement pointus de l'Indian Air Force ».
Une longue procédure marquée par les rebondissements
New Delhi a commandé 36 exemplaires de l’avion de combat multirôle français à l’issue d’une longue procédure marquée par des rebondissements. A l’origine, l’Inde avait lancé en 2007 un appel d’offres international pour 126 appareils, remporté cinq ans plus tard par l’avion de Dassault Aviation.
Engagé depuis dans des négociations exclusives qui portaient notamment sur l’exigence de construire 108 d’entre eux sur place, le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi a finalement annoncé en avril 2015 l’achat de 36 Rafale construits en France, qui a donné lieu au contrat signé en septembre 2016.
Flotte disparate et vieillissante
Car le temps presse pour l’armée de l’Air indienne, dont la flotte disparate – elle est composée de Jaguar, Mirage 2000, Sukhoï 30 et Mig 21 et 27 – est vieillissante et insuffisante.
Alors qu’elle se fixe pour mandat de faire face à deux conflits simultanés face à la Chine et au Pakistan, l’armée de l’Air indienne est censée être dotée de 42 escadrons quand elle ne peut péniblement en aligner que 33 à l’heure actuelle, selon le Military Balance de l’International Institute for Strategic Studies (IISS).
« L’aviation de combat est pour eux un outil et un atout stratégique. Et à ce titre, sa rénovation est à la fois politique et une grande priorité militaire », observe pour l’AFP le général Jean-Paul Palomeros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air française et expert auprès du cabinet d'intelligence stratégique CEIS.
L’Inde a formulé en mai 2017 une demande officielle d’informations pour la fourniture de 57 avions de combat destinés à la marine indienne et une autre en juillet 2018 pour 110 appareils destinés à l’Indian Air Force. Dassault Aviation y a répondu dans les deux cas.
Polémique sur des pratiques de favoritisme commercial
Le contrat Rafale a été au centre d'une polémique pendant plus d’un an en Inde jusqu’à la réélection de Narandra Modi au printemps.
L’opposition a accusé le gouvernement d’avoir favorisé un conglomérat privé, Reliance Group, comme partenaire de Dassault, aux dépens de l’entreprise publique Hindustan Aerospace Industries (HAL). Reliance Group est dirigé par l’homme d’affaires Anil Ambani, présumé proche du Premier ministre.
La Cour suprême indienne a refusé en décembre 2018 d’ouvrir une enquête, assurant « ne pas avoir de doute quant au processus » d’attribution et n’avoir trouvé « aucun élément substantiel prouvant des pratiques de favoritisme commercial ».
Un avion qui a eu longtemps du mal à s’exporter
Dans la politique de « Make in India » promue par Narendra Modi, le contrat prévoit des compensations industrielles («offsets »). Dassault et Reliance ont ainsi créé une co-entreprise, DRAL, et construit une usine à Nagpur, dans le centre de l’Inde, qui fournira notamment des éléments des avions d’affaires Falcon de Dassault.
Utilisé par l’Armée de l’air française depuis 2004, le Rafale a longtemps eu du mal à s’exporter. L’avion de chasse a trouvé pour la première fois preneur à l’exportation en 2015 en Egypte puis au Qatar, qui en avaient commandé 24 chacun. Doha a levé une option en décembre 2017 pour 12 Rafale supplémentaires, portant à 36 le nombre d’appareils qui seront utilisés par l’armée de l’air du pays.
Les 36 Rafale indiens seront stationnés sur les bases d’Ambala, à proximité du Cachemire et de la frontière pakistanaise, et d’Hasimara, dans le Bengale occidental.