MONNAIELe gouverneur de la Banque de France défend les effets positifs de l’euro

Le gouverneur de la Banque de France défend les effets positifs de l’euro pour les Français

MONNAIEDans sa lettre annuelle adressée ce mardi au président de la République, François Villeroy de Galhau reconnaît que des « défis » restent à surmonter
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Le gouverneur de la Banque de France défend le bilan de l'euro dans sa lettre annuelle adressée à Emmanuel Macron, ce mardi.
  • Il estime que la monnaie unique a réussi à stabiliser les prix, mais reconnaît des crispations sur le pouvoir d'achat.
  • Le responsable appelle l'Allemagne à dépenser son excédent, afin de permettre une relance de la zone euro.

Un véritable plaidoyer pour l’euro. A quelques semaines des élections européennes, le 26 mai prochain, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a profité de sa « lettre » annuelle envoyée au président de la République pour dresser un bilan de la monnaie unique, vingt ans après sa création. Cette missive est traditionnellement annexée au rapport de la Banque de France, présenté ce mardi. 20 Minutes a pu prendre connaissance du courrier en avant-première et vous présente les principaux arguments qu’il contient.

Pour François Villeroy de Galhau, les « deux objectifs fondateurs » de l’euro, à savoir la stabilité des prix et celle des changes, « ont été atteints ». Selon la Banque de France, en effet, « par rapport aux vingt années qui avaient précédé l’euro (1979-1998), les prix à la consommation ont augmenté près de trois fois moins vite depuis 1999 ».

Le débat du pouvoir d’achat

En ce qui concerne l’Hexagone, le gouverneur s’attarde sur la question sensible du pouvoir d’achat. Il y a quelques semaines, une étude d’un think-tank allemand estimait que les Français avaient perdu de l'argent à cause de l’euro. Largement reprise par la presse, elle avait néanmoins été critiquée par des économistes de tous bords pour ses choix méthodologiques.

« Dans la perception des Français, le passage à l’euro s’est accompagné d’une hausse des prix significative », relève François Villeroy de Galhau. Pourtant, « depuis 1999, les prix augmentent nettement moins vite en France (…), seulement 1,4 % par an en moyenne », contre 2,1% en moyenne entre 1986 et 2001. Ce décalage peut s’expliquer, selon lui, par deux facteurs.

Le pessimisme à la française

Le premier, c’est que « les consommateurs accorderaient plus d’importance aux prix en hausse qu’aux prix en baisse ou stables ». Cette explication rejoint une expression d’Emmanuel Macron datant d’avril 2018, selon laquelle, en France, « on regarde le centime qu’on perd, mais on ne regarde jamais le centime qu’on gagne ». Le gouverneur rappelle par exemple que le prix de la baguette de pain (4,40 francs en 2001, soit 67 centimes d’euro) n’a progressé que de 30 % en 17 ans, « soit une progression à peine supérieure à l’inflation » sur l’ensemble de la période. En revanche, concède-t-il, le prix du gazole a nettement flambé.

La deuxième explication de cette perception concernant l’euro est l’augmentation des dépenses dites « contraintes » comme le logement, l’alimentation, la santé ou encore les transports. Selon Le Monde, ces dépenses représentent désormais 30 % du budget des ménages, soit deux fois plus que dans les années 1960. Malgré tout, François Villeroy de Galhau constate que le pouvoir d’achat par unité de consommation (qui permet de prendre en compte la composition des foyers) « a progressé en cumulé de 16 % » depuis 1999. Un chiffre qui masque une autre réalité : cette progression est devenue quasiment nulle depuis 2008, ce qui peut expliquer le ressenti négatif des Français.

Les efforts de l’Allemagne

Malgré tout, la lettre adressée au président de la République laisse aussi entendre que tout n’est pas parfait dans la zone euro. Selon François Villeroy de Galhau, la monnaie unique « n’a pas suffisamment favorisé la convergence des niveaux de revenu », reconnaît le gouverneur. Pour résoudre cet écart entre pays du Nord et du Sud, il préconise de poursuivre « des réformes nationales ambitieuses », notamment pour diminuer le taux de chômage et dynamiser l’activité.

En parallèle, François Villeroy de Galhau demande à l’Allemagne, qui dispose d’un énorme excédent budgétaire, de s’engager « dans une véritable relance (…) pour soutenir [sa] propre croissance, comme celle de la zone euro ». Une demande similaire à celle formulée par le FMI l’année dernière. Mais cela sera-t-il suffisant ?

« Comme il n’existe pas de budget pour compenser les déséquilibres au sein de la zone euro, la seule solution des pays périphériques, face aux difficultés, a été de réduire le coût du travail (…) La zone euro est dos au mur. Elle pourrait devenir plus fédérale (…) mais cela paraît utopique, même sous des formes légères », remarquait le professeur émérite d’économie à l’université Paris 13 Jacques Mazier, dans une tribune publiée en 2017 par La Croix. Emmanuel Macron avait réclamé un tel budget lors de son discours de la Sorbonne, la même année. Mais finalement, c’est un budget minimaliste, loin de l’ambition de départ, qui a été acté l’an dernier.