Nantes: «La barquette de mâche à 0,99 euro, ce n’est plus tenable!» La fin du métam-sodium «coûte cher» aux maraîchers
AGRICULTURE•Quatre mois après l'interdiction du pesticide controversé, les maraîchers nantais alertent sur un surcoût de production de la mâcheJulie Urbach
L'essentiel
- L'interdiction du pesticide oblige les producteurs de mâche nantaise à se réorganiser, ce qui occasionne des surcoûts
- Ils demandent une revalorisation du prix de cette salade afin d'investir dans de nouvelles techniques et d'embaucher de la main d'oeuvre
Ils ne sont d’habitude que deux ou trois employés. Ce mercredi, sur les 130 hectares de parcelles de mâche de Bertrand Redureau et ses associés, une dizaine de personnes s’affairent, accroupies, pour arracher les mauvaises herbes qui poussent autour des petites feuilles de salade, avant la récolte. « Depuis la fin du métam-sodium, il faut tout enlever à la main, témoigne ce producteur de La Chapelle-Basse-Mer, en Loire-Atlantique. On ne peut pas passer la machine car la culture est très dense. Il faut donc trouver des bras supplémentaires, et en assumer le surcoût. »
Deux mois et demi après l’interdiction en France du métam-sodium, « une décision couperet vécue comme un vrai drame », les producteurs de mâche font les comptes. Avec la fin de ce pesticide (décidée par l‘Anses après des dizaines de cas d’intoxication), qui éradiquait toutes les mauvaises herbes et maladies de leurs sols avant les semis, ils assurent que le coût de production a grimpé de 30 ou 40 %. « On ne pourra pas continuer à produire autant sans revalorisation du prix, alerte Philippe Retière, le président de la fédération des maraîchers nantais. La barquette vendue 99 centimes, ce n’est plus tenable. Il faudrait une augmentation de 20 centimes, ce qui resterait raisonnable pour le consommateur. »
Des techniques alternatives à l’étude
Si la fédération des maraîchers nantais a eu du mal à digérer l’interdiction du produit controversé, force est de constater que ses membres peuvent faire sans, et se réorganisent. En plus d’embaucher de la main-d’œuvre, des techniques alternatives (dont ils ne voulaient pas entendre parler jusque-là) pour la désinfection des terres sont à l’étude. « La vapeur en fait partie, mais là aussi nous sommes confrontés à la contrainte du coût, continue Philippe Retière. On ne pourra donc pas la généraliser. »
Autre piste : l’extension des cultures, afin de laisser davantage le temps à la terre de se reposer entre chaque récolte et amoindrir le risque de maladies. Elle aussi pratiquée par les agriculteurs bio, la technique des faux semis (qui consiste à préparer la terre comme si on allait semer, afin de faire sortir les mauvaises herbes) est aussi expérimentée par certains. Des serres en plastiques, qui permettent de « mieux maîtriser le climat », sont enfin montées çà et là.
La catastrophe redoutée semble donc s’éloigner. « On a touché le fond mais on rebondit, souffle Philippe Retière. Ce qui est positif, c’est que les consommateurs nous font confiance et qu’il n’y a pas eu de baisse des ventes. Nous n’avons pas de leçons à donner, mais pour défendre nos 4.000 emplois, chacun doit prendre ses responsabilités. Le risque, c’est qu’il y ait moins de quantité et que cela profite aux concurrents européens, en Allemagne et en Italie. » Quelque 35.000 tonnes de mâche sont produites tous les ans en France. Plus de 85 % proviennent du bassin nantais.