Grand débat national: Taxe carbone, crédit d'impôt et redistribution… On a assisté à la «conférence nationale» sur la fiscalité à Bercy
REPORTAGE•Les élus, syndicats et associations ont pu exprimer leurs points de vueNicolas Raffin
L'essentiel
- Le grand débat national prend officiellement ce vendredi mais ne sera définitivement clôturé qu'à la mi-avril.
- Ce mercredi, les corps intermédiaires ont été conviés à Bercy à des réunions thématiques pour faire leur proposition sur la réforme de la fiscalité.
- Les participants attendent maintenant de voir quelle suite concrète sera donnée par l’exécutif.
Dernière ligne droite pour le « grand débat national » lancé par Emmanuel Macron. Ce mercredi, une conférence nationale thématique sur la fiscalité a eu lieu à… Bercy. Le sujet, porté par le mouvement des « gilets jaunes » et largement évoqué dans les cahiers de doléances, a été accolé à celui des dépenses publiques. « C’est le débat le plus important. Il faudra se dire que si on veut moins d’impôts, il faut moins de dépenses », lance en introduction Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics.
Pour cette conférence, une quarantaine de représentants des corps intermédiaires (élus, associations, syndicats) ont été invités à débattre sur une vingtaine de thèmes définis à l’avance. Les débuts sont poussifs. Les organisateurs s’enlisent dans des discussions de procédure : quels thèmes doivent aller ensemble ? Comment faire pour parler de tout ? Les prises de paroles s’enchaînent. « Si on passe encore trois heures à parler de ça, ce n’est pas très intéressant », râle un participant.
Après cette séquence digne d’une AG de copropriétaires, chacun est invité à choisir ses thématiques préférées via un boîtier électronique, façon « vote du public ». Les participants sont ensuite divisés en groupes de travail et partent débattre dans des petites salles. On décide de suivre le groupe D, qui doit parler du lien entre fiscalité environnementale et justice sociale.
Discussions et propositions
Le petit groupe se compose d’un représentant de la CFDT, d’un membre du Secours Catholique, et d’une responsable du Réseau action climat (RAC). Les discussions sont apaisées et les interlocuteurs tombent souvent d’accord. Illustration avec la fiscalité environnementale : « D’un côté nous avons besoin d’une vraie taxe carbone [dont la hausse a été suspendue], affirme Meike Fink (RAC), mais le mouvement des "gilets jaunes" montre qu’il ne faut pas que cette taxe pèse sur les ménages à faibles revenus. Il faudrait donc réfléchir à une forme de redistribution, comme un crédit d’impôt ». « Il faut garder une certaine justice sociale, abonde Cyril Chabanier (CFTC). Qu’il y ait un crédit d’impôt, on est parfaitement d’accord, mais attention à ce que les classes moyennes ne se retrouvent pas trop pénalisées ».
Les propositions concrètes affluent : dynamiser les aides à la rénovation énergétique des bâtiments, développer la mobilité verte, créer des tarifs modulés en fonction des revenus pour les transports en commun, taxer le kérosène au niveau européen. Une secrétaire de séance les note religieusement, en vue de constituer une synthèse qui sera ensuite agglomérée à tous les autres travaux de la journée. Toutes ces propositions serviront de base aux « conférences citoyennes régionales » qui doivent avoir lieu à partir de ce week-end avec des citoyens tirés au sort.
« Est-ce qu’on sera écoutés ? »
A la sortie du débat, les participants se montrent plutôt prudents sur la suite qui sera donnée à leurs travaux. « Si on continue de venir, malgré des déceptions, c’est parce qu’on pense qu’il n’y a pas d’autres options que la concertation, explique Jean Merckaert du Secours catholique. On a le devoir moral de faire remonter ce que vivent les gens au quotidien ». De son côté, Cyril Chabanier de la CFTC se pose beaucoup de questions : « Demain, quelles seront les mesures prises par le gouvernement ? Est-ce qu’on sera écouté ? Au vu du nombre de contributions citoyennes qui prouvent l’intérêt des Français pour ce grand débat, la déception pourrait être immense ».
Une énorme tâche attend en effet les organisateurs du grand débat, avec la synthèse des millions d’avis exprimés. A cela vont s’ajouter de nombreuses réunions gouvernementales en coulisses pour préparer un « atterrissage » délicat, pour lequel l’Elysée et Matignon entendent préserver l’effet de surprise. « Il y aura des mesures, mais ce n’est pas un programme, plutôt un projet (…) La question c’est : le président est-il prêt à aller loin ? Et ma réponse c’est : oui, il est prêt », assurait ce mercredi un ténor de la majorité à l’AFP. Emmanuel Macron devrait clore le grand débat à partir de la mi-avril.