POUVOIR D’ACHATLes «gilets jaunes» vont-ils booster l'économie française?

Les «gilets jaunes» vont-ils avoir un effet positif sur l’économie française?

POUVOIR D’ACHATLes « mesures d’urgence » décidées l’année dernière devraient soutenir la consommation
Des «gilets jaunes» bloquent un centre commercial près de Nantes, le 9 mars 2019.
Des «gilets jaunes» bloquent un centre commercial près de Nantes, le 9 mars 2019.  - SEBASTIEN SALOM GOMIS/SIPA
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • L’économie mondiale ralentit, mais la France devrait mieux résister que les autres.
  • Les mesures annoncées après le début du mouvement des « gilets jaunes » ont redonné du pouvoir d’achat aux Français. Mais le gouvernement risque de devoir faire des choix budgétaires très rapidement.

En décembre dernier, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, se montrait très dur envers le mouvement des « gilets jaunes ». « C’est une catastrophe pour le commerce, c’est une catastrophe pour notre économie » affirmait-il alors, en référence aux nombreux blocages de zones commerciales et aux dégradations dans les centres-villes.

Pourtant, au vu des récentes prévisions de croissance pour l’année 2019, le mouvement des « gilets jaunes » pourrait finalement être bénéfique à l’économie française et ce, grâce aux mesures d’urgence prises en réaction à la grogne sociale. Pour comprendre ce raisonnement, il faut regarder la forme actuelle de l’économie mondiale : de nombreux experts prévoient un ralentissement généralisé cette année, notamment en raison des tensions commerciales provoquées par les Etats-Unis et la Chine.

Donnez-moi le pouvoir d’achat

Pas plus tard que jeudi dernier, la Banque de France a nettement revu à la baisse sa prévision de croissance pour la zone euro en 2019 : elle table désormais sur 1,1 %, contre 1,7 % auparavant ! Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le ralentissement s’annonce particulièrement brutal pour l’Italie (-0,2 %) et pour l’Allemagne (seulement 0,7 % de croissance attendue). Pour la France, l’OCDE prévoit 1,3 % : un taux loin d’être incroyable, mais quasiment deux fois supérieur à celui de l’Allemagne.

Comment expliquer une telle différence ? Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a donné quelques pistes la semaine dernière. Premier élément important : l’économie française « est moins exposée au commerce international que l’Allemagne et l’Italie ». Second élément : « Il y a beaucoup de pouvoir d’achat aujourd’hui dans l’économie française », ce qui permet de soutenir la consommation.

Et d’où vient ce pouvoir d’achat ? De la baisse de la taxe d’habitation et des cotisations salariales, mais aussi des 10 milliards d’euros annoncés par Emmanuel Macron en décembre dernier pour répondre aux demandes des « gilets jaunes » : hausse de la prime d’activité, recalibrage de la contribution sociale généralisée (CSG) pour certains retraités et heures supplémentaires défiscalisées.

Ce probable effet positif du mouvement social avait déjà été avancé l’année dernière dans un article de Mediapart : « La révolte des gilets jaunes, qui a contraint le gouvernement à redonner du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes, peut avoir un effet contracyclique (inverse à la tendance de l’économie) précieux durant l’année 2019. »

2019, année du choix ?

Reste que ce coup de pouce pour l’économie française ne durera pas éternellement. « La France risque de passer au-dessus des 3,5 % de déficit en 2019, s’inquiète Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. Cela risque de mettre à mal la promesse d’Emmanuel Macron d’arriver à un budget quasi en équilibre en 2022. De plus, Bruxelles risque de se réveiller et de nous demander de prendre des mesures pour redresser les dépenses publiques. »

Pour Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « il faudra effectivement trouver de nouvelles économies… ou de nouvelles recettes ». L’économiste poursuit : « la fin de l’ISF, la flat-tax ou la baisse de charges pérenne pour les entreprises [via la transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice)] ont été des choix fiscaux forts du début du quinquennat. Au vu de la situation des finances publiques, maintenir ces politiques en même temps que celles en faveur du pouvoir d’achat s’annonce impossible ».

En d’autres termes, le gouvernement va se retrouver à la croisée des chemins dans les prochains mois. Il risque de devoir trancher entre la relance de la consommation et le soutien aux ménages d’une part, et l’allégement des charges des entreprises et de la fiscalité des hauts revenus d’autre part. Un vrai choix de politique économique.