Manifestation des auto-écoles: «Le permis de conduire ne doit pas être considéré comme un bien de consommation»
INTERVIEW•Patrice Bessone, président du syndicat professionnel CNPA Éducation routière, explique pourquoi le rapport parlementaire sur la réforme du permis de conduire inquiète les auto-écolesPropos recueillis par Nicolas Raffin
L'essentiel
- Les auto-écoles doivent défiler à Paris ce lundi.
- Elles craignent les conclusions d’un rapport sur l’évolution du permis de conduire.
- Les auto-écoles « en ligne » sont dans le viseur des organisations professionnelles.
- Patrice Bessone, président du CNPA-Education routière, explique à 20 Minutes pourquoi il rejette une déréglementation à marche forcée.
Les gérants d’auto-école sont dans la rue ce lundi. Enfin, plus précisément, sur la route. A l’appel de plusieurs organisations professionnelles, ils ont prévu de manifester sur le périphérique parisien. L’origine de leur inquiétude : un rapport parlementaire remis au Premier ministre début février et qui doit être dévoilé ce mardi. Il vise à faciliter le passage du permis de conduire et à réduire son prix, souvent élevé. Patrice Bessone, président de l’organisation patronale CNPA-Education Routière, explique pourquoi les professionnels « historiques » du secteur refusent une déréglementation à marche forcée.
Qu’est-ce qui vous inquiète dans le rapport qui doit être publié ce mardi ?
Il devait proposer des pistes pour baisser le prix du permis et le rendre plus accessible. Mais l’exécutif veut s’en servir pour favoriser un modèle hors-sol, celui des auto-écoles en ligne. Le coût du permis, en moyenne, c’est 1.600 euros. Les auto-écoles hors-sol disent qu’elles sont deux fois moins chères. C’est de l’enfumage, ce sont des prix d’appel.
Quelles sont vos propositions pour baisser le prix du permis ?
Si on veut faire un permis à 0 euro, on pourrait créer un impôt pour le financer. Mais économiquement et politiquement, c’est difficile, surtout au vu du mouvement des « gilets jaunes ». Il existe une autre possibilité : exploiter la recette des radars automatiques, autour de 1,3 milliard d’euros par an [1,98 milliard d’euros selon la Sécurité routière]. Notre idée, c’est que les amendes de ceux qui se font sanctionner viennent alimenter un fonds qui serait redistribué à ceux qui passent le permis.
Les auto-écoles en ligne comportent-elles des risques selon vous ?
Si on menace les auto-écoles de proximité, on perd le contact avec la population. Dans les villages, dans les petites villes, tout le monde connaît l’auto-école et ses moniteurs. Les parents ne mettraient pas leurs enfants avec un inconnu. Cette proximité va donc de pair avec la sécurité. Elle est aussi importante parce que nous sommes devenus un service public du permis de conduire : quand il faut renouveler son permis, avoir une équivalence, c’est l’auto-école qui s’en charge.
Vous craignez, si ce rapport est mis en œuvre, que le permis de conduire se transforme en « permis de tuer ». N’est-ce pas excessif ?
Vous pouvez très bien avoir le permis tout en ayant eu des manquements le jour où vous le passez. L’examen, ce n’est pas une assurance tous risques. Si c’était le cas, il n’y aurait pas de morts sur les routes. L’école de conduite, avec un local, est donc indispensable pour transmettre toutes les compétences nécessaires. En termes de sécurité, c’est indispensable.
La Belgique avait cassé son modèle de l’éducation routière il y a dix ans : le taux de mortalité a augmenté. Depuis cinq ans, ils essayent de reconstruire ce qu’ils ont détruit. Il ne faudrait pas que la même chose arrive en France et que l’exécutif se laisse berner par les auto-écoles « hors-sol ». Il y a 10.000 écoles de conduite de proximité contre deux écoles en ligne. L’État ne peut pas imposer ce modèle. Il faut absolument que le permis ne soit pas considéré comme un bien de consommation.