Alsace: A l'image d'une sorte de Munster version vegan, comment nommer les spécialités végétales?
VEGANISME•Après des sortes de camemberts ou de bleus d’origine végétale, un Monastique aux similarités avec le Munster en déclinaison vegan vient de naître en Alsace. Mais pas question de parler de « fromage »…Bruno Poussard
L'essentiel
- C’est une probable première : un Monastique, similaire à un Munster mais adaptée en version végétale, va être commercialisé en Alsace.
- Conçu à base de noix de cajou, notamment, ce produit vegan ne pourra toutefois pas s’appeler « Munster vegan » et encore moins « fromage ».
- Voulue comme une alternative, la création du couple de gérants d’une épicerie haut-rhinoise soulève la question de la dénomination de ces produits.
Les premiers Monastiques seront commercialisés d’ici fin février en Alsace. A la recette établie à base de noix de cajou dans les cuisines de l'épicerie Terre Végane, ouverte en 2017 à Rixheim (Haut-Rhin), ils s’inviteront sur le marché des spécialités végétales. Mais attention, malgré une croûte à l’odeur forte et une texture fondante, pas question de le qualifier de Munster vegan.
Le sujet des déclinaisons végétales des fromages est touchy, il a déjà heurté un paquet de susceptibilités. Même les néologismes fauxmages ou vromages ne font pas non l’unanimité dans l’alimentaire. Créateur du commerce spécialisé et des Monastiques (appelés « Vunster » par une chaîne de télévision) avec sa compagne Magali, Gabriel Chatelat en a conscience.
aDes « mises en garde » de la part de l’AOP et AOC du Munster
Ancien boucher et routier de 36 ans devenu végan à la trentaine, il n’a pas tardé à avoir des retours de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) et protégée (AOP) du Munster : « J’ai reçu une lettre de mise en garde sur l’appellation, mais je ne me sens pas concerné. » Avec monastique, « racine du mot monastère, comme le munster », Gabriel Chatelat avait largement anticipé.
« Ce n’est de toute façon pas un Munster », coupe-t-il. Devenu vegan pour la défense de la condition animale, l’Alsacien cherchait simplement une alternative jusqu’ici inexistante pour lui et ses clients. Malgré des similitudes entre les deux produits, le terme Munster est (notamment) réservé aux produits à base de lait de vache, selon le cahier des charges de l’Appellation.
Des appellations interdites pour les produits d’origine végétale
En juin 2017, la Cour européenne de justice a d’ailleurs interdit l’utilisation des mots « lait », « fromage », « crème » ou « yaourts » pour les produits végétaux. A la suite d’une affaire de consommation en Allemagne, son arrêt sur ces appellations a pris effet dans la foulée sur le Vieux continent. Qu’ils soient nés avant ou après, plusieurs aliments vegans ont dû s’adapter à ces retours.
Déjà décrite par 20 Minutes, la sorte de camembert vegan mosellan du Petit Veganne
porte le nom de « Petit Lorrain », tandis que les Parisiens de Tomm'Pousse utilisent « Camemvert ». Vendeur de L'Ere végane à Strasbourg, Yoann évoque, lui, des « substituts » pour répondre aux clients en transition qui demandent parfois « ce qui ressemble le plus à un camembert. »
« L’essentiel, c’est de prendre plaisir à le manger »
Le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière parle enfin d’un « abus de langage » et regrette une « confusion entre les produits laitiers et les jus ou boissons d’origine végétale ». D’après une étude commanditée par la filière vers laquelle 20 Minutes a été redirigé, « près d’un Français sur trois pense, à tort, qu’il y a du lait dans les boissons ou desserts végétaux. »
Par son nouveau produit conçu avec des noix du Vietnam et avec des substances de lavage à l’origine de la croûte qu’il garde secrètes, Gabriel Chatelat souhaite juste « donner le choix » et « expliquer les choses » aux consommateurs. « C’était dur à faire, mais plaisant, ajoute-t-il. Et l’essentiel, c’est de prendre plaisir à le manger. » L’Alsacien réfléchit à une petite gamme.
Mais pourquoi le besoin, au fait, de créer un aliment vegan imitant un produit d’origine animale ? « J’ai fait le choix de devenir vegan par éthique, donc si je peux trouver des alternatives qui ressemblent à des produits que j’aimais bien, je le fais. » Yoann, du magasin L’Ere végane, abonde : « C’est pour avoir les mêmes repères, car ces habitudes alimentaires sont innées. »