ENQUETELe «Far West» du financement participatif pour les animaux en détresse

Financement participatif: Le business opaque des cagnottes pour les animaux en détresse

ENQUETECertaines plateformes ne sont pas très transparentes…
Un chien dans un refuge animalier (Illustration).
Un chien dans un refuge animalier (Illustration).  - Tristan Reynaud/SIPA
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Plusieurs sites proposent aux internautes de faire des dons pour aider les associations d’aide aux animaux.
  • Les conditions et l’utilisation des dons ne sont parfois pas très claires.
  • La législation impose notamment de s’immatriculer sur un registre unique.

«Pauvre Papouille si fragile », « Bella est épileptique, tout est plus compliqué pour elle », « Trouvée mourante, Ariane veut vivre »… voici quelques exemples d’appels aux dons pour des animaux en détresse collectés sur le Web. Souvent accompagnés d’une photo de l’animal, ils jouent sur la corde sensible des donateurs potentiels.

Sentant le bon filon, plusieurs sites de « crowdfunding » se sont lancés sur ce créneau. Leur principe : agréger les demandes de dons des associations pour leur donner plus de visibilité. Chaque fois qu’un internaute donne via la plateforme, celle-ci perçoit une commission. Jusqu’ici, rien de problématique, puisque ces sites ont tout à fait le droit de faire des bénéfices. En revanche, les pratiques plus ou moins transparentes de certains acteurs peuvent laisser planer le doute sur la bonne utilisation des dons.

Une obligation d’enregistrement

En théorie, les sites collectant des dons sont considérés depuis 2017 comme des « intermédiaires en financement participatif » (IFP). Pour être en règle, ils doivent posséder une assurance en cas de litige et s’enregistrer à l’Orias, un registre national. Ce n’est pas toujours le cas. 20 Minutes a ainsi consulté trois sites appelant à la générosité des internautes : clicanimaux.com, actuanimaux.com, et animalwebaction.com. Les deux derniers sont bien enregistrés à l’Orias.

En revanche, « clicanimaux » indiquait le 12 décembre que sa demande était en cours. Pourtant, un constat d’huissier que 20 Minutes a pu consulter montre que le site affiche ce message depuis plus de 4 mois, alors que l’Orias se prononce en deux mois maximum. Interrogée sur ce point, la société gérante du site n’avait pas répondu à nos demandes au moment de la publication de l’article.

« Beaucoup de plateformes ne sont pas au courant de la réglementation, explique Florence de Maupeou, coordinatrice générale de l’association Financement participatif France (FPF). Les contours de cette activité sont encore un peu flous ». En off, un acteur du crowdfunding se montre beaucoup plus direct : « c’est le Far West ! ». Il y a pourtant des shérifs chargés de réguler le secteur : la DGCCRF, qui a mené une action il y a quelques années, et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Mais cela ne semble pas suffisant.

Une mise à jour rapide

Dans sa charte de déontologie, l’association FPF rappelle le besoin d’une « information claire et complète concernant les règles comptables et fiscales ». Là encore, les sites pour aider les animaux en détresse ne vont pas forcément jusqu’au bout de la démarche. La plateforme « Clic animaux » n’affiche pas les commissions qu’elle prélève sur les dons des internautes.

C’était aussi le cas pour « Animal web action »…jusqu’à un mail envoyé par 20 Minutes mardi. Quelques heures après notre demande, le site a mis à jour sa foire aux questions : « Comme nous envoyons des produits et pas de l’argent, il n’y a pas de commission fixe, par exemple dans certains cas nos frais augmentent à cause de difficultés de livraison ou d’un temps de vérification de la collecte supérieur à la normale. En moyenne, nous proposons nos produits 5 à 30 % plus cher que sur d’autres sites e-commerce », indique-t-il.

« Le manque de transparence nuit à l’ensemble du secteur »

Quant au site « actu animaux », il indique clairement qu’il prélève une commission de 10 % sur chaque don. « Les donateurs sont des personnes qui s’investissent énormément pour les animaux, et ils ont le droit de savoir comment leur argent est utilisé, argumente Nicolas Biscaye, fondateur du site. Le manque de transparence nuit à l’ensemble du secteur. Cela risque de porter préjudice de manière plus générale à l’image du crowdfunding en France ».

« Actu animaux » a d’ailleurs décidé de lancer des publicités « comparatives » sur le coût des dons et leur utilisation. L’initiative a été fraîchement accueillie par ses concurrents : « Nous allons les assigner en justice », affirme l’un d’entre eux. Dans le « Far West » de l’aide aux animaux, il va y avoir quelques duels.