NEGOCIATIONSLes patrons vont-ils augmenter les salaires et verser des primes?

«Gilets jaunes»: Les patrons vont-ils augmenter les salaires et verser des primes comme le demande Emmanuel Macron?

NEGOCIATIONSLe Smic sera revalorisé de 100 euros dès 2019…
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a pris la parole lundi soir après « l’acte 4 » des « gilets jaunes ».
  • L’exécutif demande aux entreprises qui le peuvent de verser une prime de fin d’année exonérée d’impôts et de cotisations sociales.
  • Certains chefs d’entreprise estiment que le niveau de prélèvement est trop élevé et demandent avant tout des économies de la part de l’Etat.

Les annonces d’Emmanuel Macron faites lundi soir vont-elles satisfaire les « gilets jaunes » ? Pour sortir de la crise, le chef de l’Etat a présenté toute une série de mesures à destination des actifs et des retraités. Il a notamment demandé « aux employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année » qui sera défiscalisée. La semaine dernière, Muriel Pénicaud les avait déjà exhortés à « faire quelque chose » sur les augmentations de salaire : « il faut partager un peu la valeur », avait lancé la ministre du Travail.

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« La demande d’augmentation des salaires paraît justifiée, puisque nous sommes en période de reprise économique, analyse Grégory Verdugo, professeur d’économie à l’université d’Evry-Val d’Essonne. Pourtant, depuis 2017, la hausse de l’inflation n’a pas été compensée, ce qui pourrait entraîner une perte de pouvoir d’achat en 2018 ».

Notre dossier sur les «gilets jaunes»

Certains grands patrons plaident aussi en ce sens. « Je crois qu’il va falloir qu’on entende la colère qui s’est manifestée, a expliqué la semaine dernière Stéphane Richard, PDG d’Orange. Il va falloir qu’on lâche du lest. » Cette augmentation des salaires n’a toutefois pas été retenue par le gouvernement.

« Dès que l’on veut verser quelque chose, c’est taxé »

Le gouvernement n’est pas exempt de toute responsabilité sur cette question cruciale pour de nombreux Français. Ainsi, malgré la suppression de plusieurs cotisations sociales et la baisse de la taxe d’habitation, la Fondation Jean-Jaurès estime dans une note publiée ce lundi que « pour l’immense majorité des salariés (…) les impôts supplémentaires et l’amputation des prestations sociales ont conduit à une baisse du pouvoir d’achat en 2018 ». D’autres experts rappellent aussi que la fiscalité des entreprises a été largement allégée ces dernières années, au détriment des impôts payés par les ménages.

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Dans ce cas, les entreprises ne devraient-elles pas faire un effort ? « Je suis très étonné de la façon dont le gouvernement s’adresse à nous, lance Antoine*, un jeune chef d’entreprise installé en Aquitaine. J’ai lancé ma société de restauration rapide sans aides et sans emprunt auprès des banques. Aujourd’hui je fais vivre dix personnes. Mais je ne pourrais pas les augmenter du jour au lendemain, sinon je serais dans le rouge : dès que l’on veut verser quelque chose, c’est taxé. »

Une prime ? « C’est comme verser un arrosoir d’eau dans le désert »

Pour éviter cet écueil, l’idée d’une « prime exceptionnelle » défiscalisée a été mise sur la table et proposée lundi par Emmanuel Macron. Les syndicats souhaitent qu’elle soit « obligatoire » pour tous les salariés. Une demande rejetée par le patronat… et par Bruno Le Maire ce lundi : « cela veut dire que vous allez imposer des primes à une entreprise qui a fait des résultats catastrophiques et qu’elle n’aurait pas les moyens de payer », a expliqué le ministre de l’Economie.

« D’un côté le gouvernement dit qu’il est contre un « coup de pouce » au Smic [même s'il sera finalement revalorisé via la prime d'activité], de l’autre il propose une prime de 1.000 euros [un montant maximal], ce qui représenterait 5 % d’augmentation du salaire minimum. J’ai du mal à voir la cohérence », analyse Jean-Paul Charlez, président de l’association nationale des DRH (Andrh). Pour lui, cette prime n’aura de toute façon aucun effet à long terme : « elle sera oubliée dès le lendemain. C’est comme verser un arrosoir d’eau dans le désert ».

Pour sortir de l’ornière, le gouvernement plaide donc pour un « dialogue social » au sein de chaque entreprise. « On a désormais tendance à décentraliser les discussions sur les salaires et à laisser des marges de manœuvre à chaque secteur », rappelle Grégory Verdugo.

Une négociation qui ne se fait pas forcément à armes égales, reconnaît l’économiste : « les syndicats sont de moins en moins puissants, ce qui affaiblit le pouvoir de négociation des salariés ». L’Etat, qui se refuse à légiférer sur le sujet, doit donc pour l’instant se contenter d’aiguillonner les entreprises vers la direction qui lui semble la plus juste.

*A sa demande, son prénom a été changé.