L'arrivée d'un entrepôt Amazon, à Lyon et peut-être à Metz, questionne
COMMERCE•Alors qu’Amazon poursuit son implantation en France, son arrivée est attendue à Lyon (Rhône) et peut-être à Metz (Moselle). Où l’impact de centres logistiques n’est pas sans poser de questions…Caroline Girardon et Bruno Poussard
L'essentiel
- A Lyon et Metz, certains riverains font état de leurs craintes face à l’impact des centres logistiques du géant du numérique.
- A cette occasion, 20 Minutes s’intéresse, derrière les milliers d’emplois créés, aux conséquences possibles d’une telle implantation d’Amazon.
- « On ne peut pas refuser autant d’emplois, mais sous quelles conditions accepte-t-on de modifier l’environnement ? », reconnaît un maire d’une commune proche de Metz.
En France, Amazon compte déjà cinq grands centres de distribution. Mais le géant du numérique poursuit son implantation. Après Brétigny-sur-Orge (Essonne) d’ici la fin de l’année, la multinationale est attendue dans l’est de Lyon (Rhône). Plus précisément près de l’aéroport de Saint-Exupéry où un permis de construire (pour l’entreprise spécialisée Goodmann) a été validé fin août pour un entrepôt de 160.000 mètres carrés.
Amazon pourrait aussi débarquer à Metz (Moselle), où la reconversion de l’ex-base militaire Frescaty continue. Fin octobre, une « zone logistrielle » signée Argan a été votée. Ni les élus (tenus par une clause de confidentialité) ni la société ne confirment une implantation. « Amazon cherche constamment à accroître la taille et la flexibilité de son réseau en Europe pour répondre à la demande des clients », répond-elle.
L’heure n’est donc pas encore à une annonce de la société. Dans les deux cas toutefois, l’arrivée du mastodonte du e-commerce n’est pas sans poser de question. A Lyon comme à Metz, la sortie de son nom par la presse locale a d’emblée fait surgir quelques réflexions, voire des craintes. Avec des riverains et des élus, 20 Minutes fait le point sur l’impact des centres logistiques d’Amazon aux milliers d’emplois.
Sur l’emploi
Les chiffres restent flous. Mais dans les centres logistiques d’Amazon, les employés font souvent les trois-huit, dans des équipes qui peuvent compter plus de 800 salariés. Si bien qu’à Metz, le Républicain Lorrain estime le total possible 3.000. Mais certains craignent une précarité : « La CGT est implantée dans d’autres entrepôts, on sait les conditions de travail très difficiles chez eux », précise Dimitri Norsa, secrétaire général en Moselle.
Son syndicat ne fait pas partie du petit collectif local d’opposition, mais sa position reste méfiante : « Si c’est confirmé, on se battra pour tous les salariés dès le chantier. Pour des CDI, d’abord. Puis il faudra s’implanter pour améliorer les conditions. » Maire d’Augny, commune voisine, François Henrion clarifie : « On ne peut pas refuser autant d’emplois, mais sous quelles conditions accepte-t-on de modifier l’environnement ? »
Sur les routes
Deuxième conséquence visible : l’arrivée de centaines de véhicules. De quoi laisser craindre des embouteillages sur les axes à proximité, comme l’A31 et la RN431 à Metz, où un grand rond-point et deux routes transversales doivent être créés. « Il y aura beaucoup de monde, de camions, mais à peu de chose près comme la base aérienne auparavant », recadre Thierry Hory, maire d’une autre commune voisine, Marly.
Pour tenter d’éviter que tous les collaborateurs de l’entreprise ne viennent en voiture, des pistes cyclables sont prévues et une troisième ligne de bus rapide devrait relier le site de la nouvelle zone d’activité au centre-ville. « On sait comment on la financera, avec les versements transports des entreprises », prolonge Thierry Hory, également vice-président de la métropole qui a engagé un chargé de mission à ce sujet.
Dans le Rhône, la problématique reste la même. Les 100.000 riverains de l’aéroport Saint-Exupéry redoutent une explosion du trafic sur la rocade Est, déjà saturée. 25.000 véhicules y circulent déjà quotidiennement. L’enquête d’utilité publique prévoit une augmentation de la circulation de plus de 65 %. « Cela va se traduire par plus de 1.000 camions et plus de 4.400 véhicules légers par jour », s’inquiète Francis Huet, vice-président de l’Acenas, association contre l’extension et les nuisances de l’aéroport.
Sur la qualité de l’air
Qui dit augmentation du trafic routier dit dégradation de la qualité de l’air ? C’est ce que craignent certains riverains opposés à Amazon. « Qui, aujourd’hui, voudrait voir son village pollué et noyé ? », interroge un opposant du projet messin, dans une pétition signée 340 fois.
A Lyon, où la question de la pollution est récurrente, le scénario n’est guère optimiste. L’arrivée des transporteurs d’Amazon risque logiquement d’aggraver la situation dans un secteur, déjà largement asphyxié. Le déclassement de l’autoroute A6-A7, acté il y a quelques mois, laissait déjà envisager le pire pour les riverains de l’est lyonnais. Les élus avaient annoncé à ce moment le report du trafic de transit sur la Rocade Est, qui devrait être élargie dans les années à venir à 2x3 voies.
« Cela reviendrait à absorber 16.000 véhicules de plus par jour. Ce qui va multiplier les bouchons et augmenter la pollution », rappelait il y a quelques mois Gilles Renevier, président de Fracture (fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l’environnement).
Sur la vue et le bruit
Outre l’air, d’autres arguments environnementaux sont mis en avant par les opposants. Pollutions visuelle et sonore en tête. « Amazon a lancé en 2016 sa flotte aérienne pour accélérer ses livraisons », rappelle Francis Huet. « Le choix d’implantation dans une zone aéroportuaire signifie forcément l’utilisation du transport aérien », ajoute-t-il redoutant à l’avance de possibles vols de nuit. « Ils vont contribuer à rendre la vie encore plus insupportable pour les habitants de l’Est lyonnais. Une dégradation des conditions de sommeil peut engendrer du stress, un manque de concentration en journée, de la fatigue mais aussi des accidents cardio-vasculaires », énumère-t-il.
Au sud de Metz, François Henrion reconnaît l’inévitable « massification du secteur » mais insiste sur les mesures de compensation, tout en regrettant l’implication des habitants dans la concertation et l’enquête publique sur le dossier (avant une nouvelle réunion en novembre et les conclusions d’une mission régionale sur l’écologie). « Sur de larges bandes, des plantations de grands arbres sont prévues pour visuel. Et un ruisseau sera rouvert. Mais le terrain reste pauvre, avec parfois plusieurs mètres de remblai. Cependant des terres seront aussi redonnées à l’agriculture. »