ECONOMIEPourquoi Ford ne veut pas du repreneur Punch sur son site girondin ?

Bordeaux: Pourquoi Ford ne veut pas du repreneur Punch sur son site girondin ?

ECONOMIELe groupe américain sort de son silence pour expliquer pourquoi le plan du repreneur Punch pour le site girondin de Blanquefort lui parait moins solide que son plan social…
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Ford n’envisage pas de retenir le projet de reprise du belge Punch au motif qu’il n’assurerait pas suffisamment la sécurité des emplois du site girondin.
  • Un projet de reprise suppose que le groupe américain assure une transition de deux à trois ans sur le site industriel.
  • La reprise réussie du site de General Motors par Punch à Strasbourg est citée en exemple par l’Etat et les salariés, favorables à un rachat.

Le 27 février 2018, Ford a annoncé son désengagement du site de Blanquefort d’ici à 2019. Implanté en 1972, le site de Ford Aquitaine Industries (FAI) de fabrication de boîtes de vitesses représente aujourd’hui 830 emplois directs. Après avoir un temps discuté avec Punch, repreneur belge intéressé par l’usine girondine, Ford fait à présent marche arrière et privilégie à ce stade une fermeture plutôt qu’une reprise. Lors d’un comité d’entreprise extraordinaire qui s’est tenu ce mardi matin sur le site, la direction locale a réaffirmé aux représentants des salariés que le rachat par Punch n’était pas envisagé.

Quels sont les arguments de Ford pour écarter le projet de reprise ?

« Nous ne pensons pas que le plan de l’acquéreur potentiel offre le niveau de sécurité et protection requis ou limite le risque futur de suppression d’emploi », déclare la direction de Ford Motor Compagny dans un communiqué ce mardi. Elle se dit particulièrement vigilante « au regard de l’échec de la vente du site de FAI il y a quelques années ». « On a jugé une proposition, reçue la semaine dernière, et pas la fiabilité d’un repreneur, commente Fabrice Devanlay, directeur de la communication de Ford France. Nous avons évalué les garanties proposées en termes d’emplois, de conditions salariales, la viabilité de la proposition : c’est un tout. »

En septembre, on apprenait que « des discussions complémentaires, portant principalement sur les volumes à produire par l’usine dans les années suivant la vente et les licences requises par le repreneur » devaient se poursuivre pour valider l’accord, envisagé à cette époque. C’est peut-être sur ces points que le groupe américain n’a pas obtenu satisfaction.

Ford assure parallèlement que le plan social qui a été élaboré serait plus favorable aux salariés. « Ce plan inclut des mesures de reclassement interne, un plan de cessation anticipée d’activité, un redéploiement chez Getrag Ford (transmissions) ainsi que d’autres mesures destinées à aider les salariés à se repositionner avec d’autres employeurs ou à poursuivre d’autres opportunités de carrière, que ce soit la création d’entreprise ou des formations de reconversion », détaille le groupe dans son communiqué. Le plan social pourrait être mis en place dès 2019 si aucun accord de cession n’intervient.

Quelle est la stratégie du groupe à l’international ?

Si le groupe n’a pas fait de déclaration concernant sa volonté de quitter l’Europe, il engage une restructuration assez forte à l’international, se traduisant par une réduction d’effectifs. « La baisse du titre en Bourse reflète le besoin d’améliorer la profitabilité, estime Bertrand Rakoto, analyste du marché automobile et spécialiste en veille concurrentielle et stratégie produit chez D3 Intelligence. La situation n’est pas alarmante mais soulève quelques questions et Ford veut montrer des actions qui vont vers une meilleure rentabilité ».

Que sait-on du repreneur Punch ?

« C’est un repreneur solide qui a une bonne réputation et a fait la preuve dans le passé de sa capacité à reprendre une activité industrielle », a souligné Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, lors de sa visite en Gironde ce lundi. Une allusion à la reprise par Punch de l'usine de General Motors, à Strarbourg qui a permis de maintenir les emplois sur le site et même de recruter quelques années après son implantation.

Du côté des représentants des salariés on reste prudents vis-à-vis du repreneur belge, qui n’a pas encore présenté son plan détaillé pour le site. « On ne connaît pas encore ses intentions sur les conditions sociales et sur le nombre d’emplois », pointe Philippe Poutou, de la CGT Ford. Mais à l’heure actuelle, c’est le seul repreneur déclaré même si Ford assure continuer à chercher un candidat.

Pourquoi le plan de reprise ne peut pas se faire sans Ford ?

« A Strasbourg, la reprise a fonctionné parce que General Motors a garanti la production pendant trois ans », pointe Philippe Poutou. Sur le site girondin, il pense que Ford devrait aussi assurer une transition sur au moins deux ans, peut-être trois. « Vendre une usine ce n’est pas comme vendre une maison, le repreneur démarre avec une activité déjà existante, pointe-t-il. Mais Ford a laissé mourir l’usine, alors ça complique la situation pour une reprise viable ». Les liens avec les fournisseurs et les clients requièrent aussi d’assurer une continuité d’activité.

Le groupe américain qui déploie une stratégie globale de repli hors de l’Europe et de l’Amérique du sud verrait le site girondin comme un véritable « boulet ». « Ils [les dirigeants de Ford] en ont ras le bol de ce site, cela fait dix ans qu’ils essaient de s’en débarrasser », estime Philippe Poutou.

Quelles sont les prochaines étapes attendues ?

Est-ce qu’un revirement de Ford en faveur d’une reprise est possible ? « Nous n’avons pas fermé la porte », assure le directeur de la communication du groupe. Les négociations avec Punch continuent et parallèlement la recherche d’un autre candidat potentiel à la reprise.

De leurs côtés, les syndicats attendent une réunion avec les représentants de Ford Europe et une présentation du plan du repreneur Punch pour le site girondin dans les jours qui viennent.

Le temps presse puisque mi-décembre, le groupe Ford ne sera plus officiellement obligé de chercher un repreneur.

« Il faut éviter d’être alarmiste, on a déjà vu des reprises de dernières minutes, après des phases de négociations qui sont bien sûr difficiles, surtout pour les salariés », relève Bertrand Rakoto, analyste du marché automobile.