INTERVIEW«Free veut faire évoluer ses clients vers des offres plus chères»

«L’enjeu pour la nouvelle direction de Free, c’est de faire évoluer leurs clients vers des offres plus chères»

INTERVIEWVincent Teulade, expert indépendant du marché des télécoms, explique pourquoi l’entreprise de Xavier Niel est malmenée par la concurrence…
Lancée en 2012, l'entreprise est victime d'une guerre des prix qu'elle a elle-même lancé
Lancée en 2012, l'entreprise est victime d'une guerre des prix qu'elle a elle-même lancé - M.ASTAR/SIPA
Thibaut Chevillard

Propos recueillis par Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Entre janvier et juin, Free a perdu 70.000 abonnés sur le mobile et 47.000 sur le fixe.
  • L’entreprise compte désormais 13,62 millions d’abonnés sur le mobile et 6,47 millions d’abonnés sur le fixe.
  • Elle doit faire face aux offres agressives de ses concurents.

Free souffre face à la concurence. L’opérateur télécoms a perdu, entre janvier et juin, 70.000 abonnés sur le mobile et 47.000 sur le fixe, selon ses résultats semestriels publiés mardi. Au total, Free compte désormais 13,62 millions d’abonnés sur le mobile, dont 7,55 millions pour l’offre 15-20 euros, et 6,47 millions d’abonnés sur le fixe. Pour mieux comprendre la situation dans laquelle se trouve l’entreprise lancée par Xavier Niel, 20 Minutes a interrogé Vincent Teulade, expert indépendant du marché des télécoms.

Pourquoi Free a-t-il perdu autant d’abonnés ?

Il faut relativiser cette perte : on parle de quelques dizaines de milliers d’abonnés fixe et mobile sur un semestre. Par rapport aux gains engrangés l’an dernier, c’est un peu l’épaisseur du trait. Il y a plusieurs réponses. Sur le fixe, ils ont souffert de la concurrence tarifaire lancée notamment par Bouygues Telecom. En outre, la part de marché de Free sur la fibre optique est moins importante que celle d’Orange et de SFR. Mais au regard du nombre d’abonnés à la fibre optique, cela reste très marginal.

Sur le mobile, c’est difficile de dire pourquoi ils ont perdu des abonnés. En revanche, ce qui est intéressant, c’est que la communication de Free a changé. En effet, pour la première fois, ils ont annoncé la répartition entre les abonnés premium et ceux à leur offre d’entrée de gamme à 2 euros. Selon Free, le nombre d’abonnés premium a augmenté, cela veut dire qu’ils sont en train de faire évoluer leur modèle : ils étaient sur un modèle de conquête, et désormais, ils s’orientent vers un modèle de valeur. Auparavant, la création de valeur était essentiellement basée sur le nombre d’abonnés. Désormais, ils font migrer les gens vers des offres plus qualitatives qu’ils ont fait évoluer.

L’entreprise a-t-elle bien fait de miser, au début, sur les forfaits à 2 euros ? N’a-t-elle pas été prise ainsi à son propre piège ?

Je ne pense pas. Il fallait absolument lancer cette offre pour rentrer sur le marché, pour exister en atteignant une taille critique rapidement. Désormais, l’enjeu pour la nouvelle direction de Free, c’est de faire évoluer leurs clients vers des offres plus cher. Le fait d’avoir lancé une offre à 8 euros, entre celles à 2 et à 20 euros, montre que Free veut les faire évoluer progressivement. L’entreprise a été très agressive sur les prix des abonnements mobile, ce qui a perturbé Bouygues Telecom qui a riposté en les attaquant sur les abonnements fixe en lançant une offre sans télévision. Or, on voit bien que Free a perdu des abonnés à leur offre fixe. C’est la raison pour laquelle ils ont lancé la Freebox Crystal à 23,99 euros par mois pour répondre à la Bbox à 22,99 euros par mois.

Que peut faire Free pour reprendre l’avantage sur les autres opérateurs ? Leur nouvelle box est notamment très attendue…

Free a toujours été très innovant, c’est donc quelque chose qui peut permettre de remettre l’entreprise au centre du jeu en augmentant le standard en termes de box chez soi.

La situation n’est donc pas si inquiétante que ça pour le groupe ?

Cette baisse montre surtout le succès de leur concurrent Bouygues Telecom qui est repassé à l’offensive. Mais c’est aussi le signe que le marché n’est pas extensible à l’infini. Le marché n’est pas loin d’être mature aujourd’hui, il faut donc se battre en essayant de capter une part de valeur plus importante que celles des concurrents.