Coupe du monde 2018: Le succès des Bleus va-t-il doper la croissance économique de la France?
CROISSANCE•L’effet d’un très bon parcours en Coupe du monde est loin d’être évident et durable…Nicolas Raffin
L'essentiel
- Bruno Le Maire estime que le succès des Bleus va avoir un impact sur la croissance.
- Les économistes avancent que l’effet d’un Mondial est quasi-nul, voire inexistant.
- La compétition augmente surtout la valeur marchande des joueurs.
Bruno Le Maire a dû fêter le deuxième titre mondial des Bleus avec beaucoup de ferveur dimanche. Avant la finale, le ministre de l’Economie avait vanté l’effet du parcours exceptionnel de l’équipe de France sur le dynamisme du pays. « C’est bon pour la croissance (…) Il y a une part d’irrationnel dans l’économie qui tient à la confiance en soi, qui tient à l’envie (…) et c’est tout ce que nous apporte cette Coupe du monde » avait-il affirmé sur France 2.
A l’appui de ses déclarations, un raisonnement économique mis en avant par Ludovic Subran, chef économiste chez l’assureur Euler Hermes. En reprenant les grands événements sportifs des quinze dernières années, il a remarqué que les victoires avaient un impact sur la confiance des ménages. « La confiance étant l’un des déterminants de la consommation [les ménages sont plus enclins à dépenser lorsqu’ils sont rassurés par rapport à l’avenir], celle-ci va augmenter » explique-t-il à 20 Minutes. Au bout de la chaîne, il pronostique que la croissance du PIB en 2018 augmentera d’environ 0,07 point [1,4 milliard d’euro] grâce à l’effet « Coupe du Monde ».
« Fantasme total »
Alors, faut-il remercier les Bleus pour cette manne providentielle ? « C’est une vaste fumisterie, lance Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges. Pour l’Euro 2016 [qui se déroulait dans l’Hexagone], nous avions estimé que ça allait générer 1,22 milliard d’euros de recettes en plus, soit 0,05 % du PIB. Je ne vois pas comment la Coupe du monde organisée en Russie pourrait faire mieux. Il ne faut attendre aucun miracle ».
Richard Duhautois, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), en rajoute une couche. « C’est un fantasme total, affirme le co-auteur de L’argent du football (juin 2018). Les nombreuses études faites sur les Coupes du monde ou les Jeux olympiques montrent qu’il n’y a aucun effet économique. Certaines études sont commandées par les organisateurs et promettent des tonnes d’emplois, une explosion du tourisme, etc. Mais avec le recul et en étudiant les données après coup, les effets sont nuls ».
Effet de substitution
Selon ces deux économistes, la consommation ne connaîtra pas un bond en avant dans les prochains mois. Et ce, en raison de l’effet « de substitution ». Concrètement, cela signifie qu’un événement sportif tel que la Coupe du monde fait des gagnants… mais aussi des perdants, et qu’au final, les deux camps s’équilibrent. « Schématiquement, si vous consommez beaucoup de pizzas et de bières pendant les matchs, vous n’irez pas au restaurant en même temps » résume Richard Duhautois.
« Les Français vont peut-être dépenser un peu plus pendant la période estivale parce qu’ils seront heureux, note Christophe Lepetit. Mais du coup, ils dépenseront moins à la rentrée, pour compenser. Pour relancer la consommation, il faudrait que le pouvoir d’achat augmente et ce n’est pas vraiment le cas ».
Les grands gagnants ? Les footballeurs
Du reste, les économistes interrogés rappellent qu’il est très difficile d’isoler l’effet économique d’une Coupe du monde. Ainsi, en 1998, la victoire de la bande à Jacquet s’était accompagnée d’une croissance forte… mais la reprise s’était déjà affirmée depuis 1997. De même, après la piteuse édition 2010 – élimination au 1er tour et épisode du bus de Knysna en juin – le PIB du troisième trimestre avait… augmenté de 0,3 % (+1,9 % sur l’année).
Finalement, les grands gagnants du Mondial sont surtout les footballeurs eux-mêmes : cette nouvelle ligne sur leur palmarès pourrait en effet faire gonfler leur valeur marchande « de 30 à 40 % » selon l’économiste du sport Pierre Rondeau interrogé par franceinfo. De quoi négocier une belle augmentation de salaire…