Pourquoi de plus en plus de jeunes sont aidés financièrement par leurs parents?
FAMILLE•L’aide des parents aux jeunes de 18-24 ans s’élève à 3.670 euros en moyenne par an selon une nouvelle étude de l’Insee publiée ce mardi…Delphine Bancaud
L'essentiel
- Huit jeunes sur dix sont aidés financièrement par leurs parents selon l'Insee.
- En effet, de plus en plus de jeunes poursuivent leurs études, partent faire une année à l'étranger, ou connaissent des débuts précaires sur le marché de l'emploi.
- Les jeunes issus de familles monoparentales ou dont les parents sont séparés, sont moins nombreux à être aidés ou touchent des sommes plus limitées.
Un petit billet pour acheter un vêtement, un chèque pour aider à payer le loyer… Huit jeunes sur dix sont aidés financièrement par leurs parents, d’après une étude de l’Insee paru ce mardi. Une tendance en augmentation car la même étude dévoilée en 2016 indiquait que sept jeunes adultes sur dix bénéficiaient d’un soutien financier de leurs parents.
Ce qu’explique aisément Sandra Hoibian, directrice du pôle évaluation et société au Crédoc : « Les jeunes poursuivent davantage leurs études qu’il y a 30 ans et ont besoin de les financer. De plus, la période de transition après leurs études avant qu’ils décrochent un emploi stable s’est allongée. Car 80 % des embauches se font en CDD et les jeunes sont une variable d’ajustement du marché de l’emploi. Or, il leur faut un CDI pour pouvoir emménager », souligne la chercheuse. Et la flambée des prix de l’immobilier ces dernières années ne les a pas aidés à quitter le nid. D’ailleurs l’étude montre que 58 % des 18-24 résident encore chez leurs parents, 23 % vivent dans leur propre logement et 19 % habitent à la fois chez leurs parents et dans un autre logement.
« Ils ne sont pas tous aidés de la même façon »
D’autres raisons expliquent pourquoi les parents doivent davantage mettre la main à la poche pour aider leurs grands enfants : « Les grands pôles universitaires recrutent dans toute une région, ce qui pousse des jeunes à s’installer loin de chez leurs parents pour suivre leurs études. Et les jeunes sont incités à vivre une expérience à l’étranger. Ce qui coûte cher. Par ailleurs, les écoles privées postbac sont de plus en plus demandées et les parents sont mis à contribution, car les étudiants français ont moins la culture du prêt étudiant que leurs camarades anglo-saxons », relève Olivier Galland, sociologue de la jeunesse et directeur de recherche au CNRS.
Mais comme l’a souligné le documentaire Les Bonnes Conditions, de Julie Gavras, diffusé récemment sur Arte, tous les jeunes ne bénéficient pas des mêmes chances dans la vie. « La situation des 18-24 ans est très hétérogène. Certains sont étudiants, d’autres travaillent déjà et certains sont sans emploi. Ils ne sont donc pas aidés de la même façon. Ceux qui cohabitent chez leurs parents bénéficient de leur part d’argent de poche, mais le soutien financier est forcément plus conséquent lorsque le jeune réside seul », précise Olivier Galland. De fait si l’aide des parents aux jeunes s’élève à 3.670 euros en moyenne par an selon l’Insee, elle va jusqu’à 8.100 euros annuels pour les étudiants qui ont leur propre logement et qui sont généralement issus de familles aisées. Et l’aide parentale vient souvent compléter les allocations logement qui bénéficient à un jeune sur deux.
Une solidarité inégale selon le statut de la famille
Les parents aidant un jeune adulte consacrent ainsi environ 8 % de leurs revenus disponibles à cela. « Une somme conséquente quand on sait que le logement représente 20 % du revenu disponible des ménages et l’alimentation 11 %. Les parents ont d’ailleurs de plus en plus conscience qu’il faut économiser pour soutenir leurs grands enfants », commente Sandra Hoibian. Une situation qui n’est pourtant pas vécue comme un sacrifice, selon la chercheuse « car les Français sont très attachés à l’idée de transmettre ».
Mais la donne n’est pas la même pour les jeunes issus de familles monoparentales ou dont les parents sont séparés, qui sont moins nombreux à être aidés ou touchent des sommes plus limitées, selon l’Insee. « La séparation représente un coût financier pour les parents qui ne font plus les économies d’échelle qu’ils faisaient à deux. Ce qui diminue de fait leurs capacités financières », explique Olivier Galland. Et ces familles sont souvent en situation précaire : « Un tiers des foyers monoparentaux vivent en dessous du seuil de pauvreté », rappelle Sandra Hoibian. Par ailleurs, le fait d’avoir davantage de jeunes enfants à charge dans la famille réduit les chances d’aider les grands enfants : « les familles nombreuses sont généralement moins en capacité de soutenir financièrement leurs enfants », insiste la chercheuse.
L’allocation d’autonomie pour les jeunes, ce n’est pas pour demain
Ne pas pouvoir épauler son grand enfant est d’ailleurs vécu comme une souffrance pour les parents : « C’est lourd à porter pour eux car ils savent que cela va handicaper leur enfant dans la construction de son avenir, qui sera peut-être contraint de travailler au lieu de faire ses études ou de rester plus tard chez eux », observe Sandra Hoibian. « Voire de travailler en faisant ces études, comme près d’un étudiant sur deux actuellement. Or, l’OVE (Observatoire national de la vie étudiante) a bien démontré que lorsque cela dépasse le mi-temps l’impact de cet emploi salarié est négatif sur le cursus », complète Olivier Galland.
D’où l’idée d’instaurer une allocation d’autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans, notamment défendue par l’Unef et La France insoumise. « Mais le revenu universel pour les jeunes ne fait pas consensus car beaucoup de gens considèrent qu’il déresponsabiliserait les jeunes », constate Sandra Hoibian. Et à l’heure où le gouvernement planche plutôt à la rationalisation des aides sociales, cette suggestion ne risque pas de resurgir dans le débat public…