VIDEO. Grève à la SNCF: Les chemins de fer de Corse épinglés par la chambre régionale des comptes
TRANSPORTS•Depuis 2011, le rail corse n'est plus géré par la SNCF. Le trafic a augmenté... mais la chambre régionale des comptes pointe une gestion hasardeuse..Mathilde Ceilles
L'essentiel
- En Corse, depuis 2011, la SNCF ne gère plus le réseau ferroviaire.
- Le trafic a augmenté, la société se porte bien et le matériel a été renouvelé.
- La chambre régionale pointe des avantages des cheminots, qui ne travailleraient que cinq heures par jour.
Alors que le réseau ferroviaire de l’Hexagone est ce week-end encore touché par un mouvement de grève des cheminots, en Corse, depuis plusieurs semaines, les trains roulent comme tous les jours. Et pour cause : depuis 2011, la collectivité territoriale de Corse (aujourd’hui collectivité unique de Corse) a décidé de se passer de la SNCF pour la gestion et l’exploitation de son réseau ferroviaire. Soit deux lignes, 16 gares et quelque 232 kilomètres de voies tortueuses qui sillonnent l’île de Beauté à travers les montagnes.
Une fois de plus, dans ce domaine, la Corse constitue une exception, qui n’est pas sans rappeler les débats actuels sur le futur de la société ferroviaire française. Exit la SNCF, exit le statut des cheminots, place à la Seml, pour société anonyme d’économie mixte locale. Cette société gère le réseau des chemins de fer de Corse par délégation du service public de la Collectivité territoriale de Corse. Huit ans après sa mise en service, le bilan demeure toutefois contrasté…
Une fréquentation en hausse et de bons résultats économiques
Au bilan positif, la Seml bénéficie d’une situation financière confortable. Selon un rapport de la chambre régionale des comptes rendu public au début du mois de mai, les fonds propres ont doublé entre 2012 et 2015, avec une trésorerie qui s’élève. Pour le communiste Michel Stefani, ancien PDG puis président de la Seml jusqu’en 2016, sa mission a été menée à bien. « Nous avons réussi à dégager en trois ans 5 millions d’euros de recettes, et nous avons atteint l’objectif de transporter un million de passagers par an, en moins de deux ans ! »
Et de se réjouir : « Nous avions pour objectif d’offrir un service public performant et de désaturer le réseau routier, explique-t-il. Le matériel a été renouvelé. Nous avons instauré la gratuité pour les étudiants, là où on sait bien que chaque année, en Corse, entre un et deux étudiants meurent sur la route en allant à l’université ! Et quand je suis arrivée, il y avait presque plus de transports par car que par train. En deux mois, c’était réglé. »
Une gestion du personnel hasardeuse ?
Mais la transition de réseau SNCF à la Seml ne s’est pas faite sans mal, en particulier sur la question du personnel… Dans son rapport, la chambre régionale des comptes pointe une gestion hasardeuse des cheminots qui bénéficieraient de nombreux avantages. Parmi ceux-ci, selon ce rapport, se trouve un temps de travail très largement inférieur aux accords d’entreprise.
« « Les agents ne travaillent ni le nombre de jours, ni le nombre d’heures prévues dans les accords d’entreprise. La perte est significative pour la société, avec des quotités de travail effectif inférieures à cinq heures par jour, une durée hebdomadaire pouvant aller jusqu’à moins de 26 heures et un nombre de jours travaillés inférieurs de 8 % aux 210 jours négociés. » »
Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, les chemins de fer de Corse démentent en bloc cette partie du rapport. « Aucun salarié des CFC ne travaille en moyenne 26 heures par semaine sur l’année pour 2.500 euros » écrit l’actuel président des chemins de fer de la Corse Hyacinthe Vanni. Et de préciser que, compte tenu du service public rendu tous les jours de l’année et des conditions de travail, impliquant des horaires en décalés « 7 jours sur 7, de 4 h 45 à 22 h pour la majorité des cheminots […], il est difficile de comparer ces horaires avec des horaires de bureau du lundi au vendredi de 8 h à 18 h. »
Dans son rapport, la chambre régionale des comptes pointe également une « progression des effectifs » à l’origine d'« une hausse de dépenses de fonctionnement » de 1,8 millions d’euros entre 2012 et 2015. « Quand la société a été créée, il y avait 272 agents, fin 2015, il y en avait 17 de plus, il ne faut pas exagérer, s’agace Michel Stefani. Nous avions mis au point un système informatique qui nous assistait à chaque décision d’embauche, de sorte qu’il n’y ait aucun dérapage possible. » Et de conclure : « Pendant les deux premières années, on a été sous le contrôle du préfet. S’il nous a lâché les manettes, c’est qu’il a estimé qu’on a bien géré, non ? »