Accord sur le nucléaire iranien: Que risquent les grandes entreprises françaises après le retrait américain?
IRAN•Depuis 2015, la France était devenu le troisième partenaire européen de l’Iran. De grandes entreprises s’y étaient implantées : Airbus, PSA et Renault, Total...F.P.
Donald Trump a annoncé la couleur mardi en annonçant le retrait américain de l’Accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Il veut en sortir vite et le retrait s’annonce radical.
Toutes les sanctions levées le 16 janvier 2016, date de l’entrée en vigueur de cet accord international sont rétablies « immédiatement » pour les nouveaux contrats et d’ici le 6 août ou le 4 novembre pour les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran. Celles-ci ont donc trois à six mois pour en « sortir » avant d’être frappées par les mesures punitives leur barrant l’accès aux marchés américains.
Choisir l’Iran ou les Etats-Unis…
De quoi poser de sérieux dilemmes aux entreprises occidentales qui avaient reposé pied sur le territoire iranien après des années de sanctions économiques pesant sur la République Islamique. La question que pose le retrait américain est simple : ces entreprises devront-elles choisir l’Iran ou les Etats-Unis ?
La question se pose en France pour de grandes entreprises comme des PME. Difficile de connaître le nombre exact de sociétés hexagonales faisant du business en Iran depuis 2015. Le ministère de l’Economie évoque la somme de 1,5 milliard d’euros générée par exportations françaises vers l’Iran en 2017. Soit une multiplication par trois en trois ans.
Gros dilemme pour Total ?
Parmi ces entreprises figurent notamment Renault et PSA qui avaient repris leurs livraisons d’automobiles en Iran après l’accord. Le journal Le Monde expose les enjeux. D’un côté, Renault a vendu 160.000 voitures l’an dernier en Iran mais est aussi présente aux Etats-Unis via Nissan, constructeur avec lequel il s’est allié. PSA, bien implanté en Iran avec une part de marché de 30 %, est pour sa part absent des Etats-Unis depuis 1991 mais avait annoncé en janvier dernier réfléchir à lancer un service d’auto-partage dans une ou deux villes américaines. Le groupe français pourrait ainsi devoir renoncer à ce projet.
Plus problématique encore, le cas Total. « En juillet dernier, le pétrolier français avait signé un accord avec l’Iran en vue de développer la phase 11 de South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde », rappelle Emmanuel Dupuy. La capacité de production du projet est estimée à deux milliards de mètres cubes par jour et le consortium international, dont Total a pris la tête, y a investi 4,8 milliards de dollars. Mais la compagnie pétrolière est aussi très présente aux Etats-Unis, notamment via sa raffinerie de pétrole de Port Arthur, au Texas, l’une des plus grandes du groupe. Le 18 octobre dernier, en marge de la conférence «Oil & Money» à Londres, Patrick Pouyanné, le PDG du groupe Total, avait assuré qu’il respecterait la loi internationale quant à son accord gazier en Iran si les Etats-Unis venaient à rétablir les sanctions économiques contre l’Iran.
Airbus, pour sa part, avait enregistré des commandes de compagnies aériennes iraniennes pour 100 avions, dont des A320neo, pour un montant de 20,8 milliards de dollars. Des compagnies aériennes pourront être également impactées comme Air France qui a repris des vols directs vers Téhéran. Elle pourrait devoir fermer cette ligne si elle veut continuer à opérer librement des vols transatlantiques. Autre entreprise impactée : Accor. Fin 2015, le groupe hôtelier français ouvrait deux hotels, Ibis et Novotel, devenant le premier groupe hôtelier internationl à implanter ses marques en Iran.
Rentrer dans les détails…
Il est difficile encore de déterminer avec précision les conséquences financières du retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien pour les entreprises commerçant avec la République islamique. Mardi, Donald Trump a assuré qu’il serait intraitable avec ces entreprises commerçant avec l’Iran et qu’il n’y aurait pas d’échappatoire possible aux sanctions économiques. Mais ce ne sont encore que des grands principes.
Il reste encore de grandes inconnues quant à la portée exacte des sanctions annoncées par les Etats-Unis. Que risque par exemple une petite PME faisant affaire en Iran sans qu’aucune de ses transactions ne soient réalisées en dollars ?
Quoi qu’il en soit, les discussions se poursuivent avec l’administration Trump. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, doit notamment avoir un entretien téléphonique d’ici la fin de la semaine avec Steven Mncuchin, le secrétaire d’État au Trésor américain, pour étudier avec lui les possibilités d’éviter les sanctions américaines. Parmi les solutions envisagées, le ministre évoque des « clauses grand-père » (clause d’antériorité) et des « exemptions ».
Trouver une parade à l’extraterritorialité des lois américaines ?
En parallèle, l’Union européenne pourrait aussi opter pour un renforcement des lois de blocage, une arme juridique contre l'extraterritorialité des lois américaines, ce principe selon lequelle une loi votée aux Etats-Unis s’applique à des personnes physiques ou morales de pays tiers en raison de liens parfois tenus avec les Etats-Unis. Un paiement en dollars par exemple. En 1996, après l’adoption par les Etats-Unis des lois à portée extraterritoriale Helms-Burton, renforçant l’embargo contre Cuba, et Amato-Kennedy qui sanctionnait tout investissement supérieur à 20 millions de dollars par an, qu’il soit américain ou non, effectué dans le secteur énergétique en Iran et en Lybie. Dans la foulée, l’UE l'UE s'était ainsi doté d'une «loi de blocage» interdisant aux entreprises européennes de se conformer à ces sanctions américaines et prohibant la reconnaissance dans l’UE des décisions américaines.
Une piste possible serait alors de renforcer et d’étendre la portée de ce règlement en vue de l’adapter aux nouvelles sanctions américaines contre l’Iran.