FISCALITENe pas augmenter les impôts, une promesse impossible à tenir pour Macron?

Emmanuel Macron pourra-t-il tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts?

FISCALITELes nouvelles dépenses pourraient changer la donne…
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a promis de ne pas augmenter les impôts.
  • La dette de la SNCF et la suppression de la taxe d’habitation compliquent l’équation budgétaire.
  • Augmenter les impôts serait trop risqué politiquement et économiquement, estime un économiste.

Pour Emmanuel Macron, le panier de la dépense publique commence à être chargé. Il avait promis d’économiser 60 milliards d’euros sur le quinquennat : l’addition pourrait être beaucoup plus élevée au final. En effet, à cette somme prévue dans le programme présidentiel, il faut ajouter deux « imprévus.

Le premier, c’est la suppression totale de la taxe d’habitation. Le programme d’Emmanuel Macron prévoyait d’en exonérer seulement 80 % des Français. L’extension de la mesure aux 20 % restants, annoncée fin 2017, va représenter un « manque à gagner » supplémentaire de 8 à 9 milliards d’euros. Le second imprévu, c’est la dette de la SNCF (46,6 milliards d’euros), que l’État doit reprendre en partie à partir de 2020, et qui viendra gonfler le déficit public.

Difficile de baisser la dépense publique

Moins de recettes d’un côté, plus de dépenses de l’autre : l’équation budgétaire se complique pour le chef de l’État, qui a promis un budget quasi à l’équilibre en 2022 (seulement 0,2 % de déficit). Le tout sans toucher aux impôts. « Il n’y aura pas de création d’un nouvel impôt local, ni d’un impôt national » expliquait Emmanuel Macron lors de son interview mi-avril par BFM TV et Mediapart. « Il n’y aura aucune augmentation d’impôt » confirmait le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin quelques jours plus tard.

L’État va donc jouer sur l’autre levier, à savoir couper dans les dépenses publiques. « Cette réforme, c’est un des enjeux les plus difficiles », reconnaît Philippe Martin, professeur d’économie à Sciences Po et président du conseil d’analyse économique (CAE).

Le spécialiste, qui a participé à l’élaboration du programme économique d’Emmanuel Macron, est très lucide sur l’ampleur de la tâche : « On ne va pas se cacher, baisser la dépense publique c’est un problème, à la fois pour de bonnes raisons, car de nombreuses dépenses publiques sont utiles, mais aussi pour de mauvaises raisons, à cause d’un certain conservatisme ».

« Faire mieux avec moins »

Pour distinguer la « bonne » dépense publique de la « mauvaise », le gouvernement a donc mis sur pied le « comité action publique 2022 » (CAP 22). Composé d’une trentaine de personnalités, il devrait remettre ses conclusions d’ici début juin. « Ce rapport servira de base de réflexion à la transformation de l’action publique avec plusieurs objectifs : rendre un meilleur service public, et dégager des économies » confirme un proche de Gérald Darmanin.

« La baisse de la dépense publique aura de toute façon un impact sur les ménages, estime Pierre Madec, économiste à l’OFCE. Par exemple, si vous diminuez les budgets dans l’éducation ou la santé, cela à des conséquences sur la qualité de vie. » Un raisonnement qui n’est partagé par le cabinet de Gérald Darmanin, où l’on rappelle que l’objectif est de « faire mieux avec moins » grâce à un changement « ambitieux » des pratiques.

Vers un « ras-le-bol » social ?

En attendant d’avoir plus de précisions, le flou demeure sur les choix de l’exécutif. « Il y a encore beaucoup de points obscurs, la maîtrise de la dépense publique est insuffisamment documentée, juge Emmanuel Jessua, directeur des études du think-tank Coe-Rexecode. D’autant plus que l’essentiel de l’effort est renvoyé à la seconde partie du quinquennat. Or, à partir de 2020, nous estimons que la croissance sera plus faible qu’aujourd’hui (1 % contre 2 % en 2017) ». Moins de croissance signifie moins de recettes fiscales, et donc encore plus de coupes budgétaires à réaliser si le gouvernement veut respecter son objectif.

Dans ce contexte, la promesse de ne pas augmenter les impôts sera-t-elle réaliste ? « Le non-respect de cet engagement aurait un coût politique et économique trop énorme, estime Philippe Martin. Emmanuel Macron a retenu les leçons des quinquennats de François Hollande et de Nicolas Sarkozy ». Mais si le chef de l’État parvient à éviter le « ras-le-bol fiscal », la réduction des dépenses publiques pourrait déclencher un ras-le-bol « social ».