Evasion fiscale: La France fait-elle vraiment tout ce qu’il faut pour combattre la fraude?
FISCALITE•Oxfam estime que la position d'Emmanuel Macron est «hypocrite»...Nicolas Raffin
L'essentiel
- Emmanuel Macron a promis dimanche qu'il serait intraitable contre la fraude fiscale.
- L'exécutif prépare un nouveau texte de loi.
- Mais certains observateurs comme Oxfam jugent que le président est trop frileux et ne s'engage pas véritablement.
Après le discours de la Sorbonne, voici venir le discours de Strasbourg. Emmanuel Macron se déplace ce mardi au Parlement européen pour parler de l’avenir de l’UE. « Ce sera un appel à la responsabilité, à l’engagement européen » a expliqué la semaine dernière l’Elysée à l’AFP. Le chef de l’État en profitera peut-être pour aborder un thème sensible à l’échelle du continent : l’évasion fiscale. Les différents scandales - Luxleaks, Panama Papers, Football Leaks – ont montré que le phénomène était largement répandu. En France, le phénomène représenterait chaque année une perte de 60 à 80 milliards d'euros pour les caisses de l’Etat.
Interrogé sur ce thème dimanche par Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, Emmanuel Macron s’est montré volontariste. « La fraude [fiscale], on lutte contre, et on la sanctionne » a-t-il lancé, avant de rappeler que le projet de loi « anti-fraude » présenté fin mars allait permettre « d’accroître les sanctions à l’égard des paradis fiscaux ».
Une liste et des critiques
Le discours a laissé Oxfam plutôt sceptique. L’ONG, en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale, estime que le chef de l’État a fait preuve « d’hypocrisie » dimanche. « Emmanuel Macron a quand même réussi à dire que le Luxembourg ou les Pays-Bas avaient des législations fiscales « permettant des contournements massifs », mais qu’ils n’étaient pas des paradis fiscaux. Il va falloir nous expliquer la différence » ironise Manon Aubry, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France.
L’ONG se montre ainsi très critique sur la fameuse « liste noire » élaborée par l’UE qui doit être intégrée au projet de loi vanté par le président de la République. « Des paradis fiscaux notoires comme la Suisse ou les Îles Caïmans n’y figurent même pas, remarque Manon Aubry. Et aucun pays de l’UE n’est épinglé. En refusant d’appliquer des sanctions à des pays comme l’Irlande, Emmanuel Macron manque de courage ».
Cette accusation est réfutée par les soutiens du président. « Il ne faut pas tout confondre, insiste Stanislas Guérini, porte-parole LREM à l’Assemblée. En ce qui concerne nos partenaires européens, même si tout le monde n’est pas exemplaire, nous avons des échanges avec eux. Quand on suit notre méthode, on arrive à faire bouger les lignes en Europe. Je rappelle que nous sommes en faveur d’une harmonisation fiscale ».
L’épreuve de vérité
Cela tombe bien, car un texte primordial a récemment été adopté par le Parlement européen. Il vise à imposer une « assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés » (ACCIS). S’il est mis en place, ce dispositif empêchera les multinationales de jongler avec les législations fiscales des pays de l’UE et de transférer tous leurs bénéfices dans le pays le plus avantageux.
Mais aujourd’hui, rappelle l’eurodéputée écologiste Eva Joly, « ce texte est bloqué au Conseil [l’institution de l’UE qui regroupe les ministres des 27 pays et qui partage le pouvoir législatif avec le Parlement] ». Pour la spécialiste de la lutte contre la fraude fiscale, c’est l’épreuve de vérité pour Emmanuel Macron : « S’il veut vraiment lutter contre l’évasion fiscale et apparaître comme un vrai leader européen, il faut qu’il débloque la situation et qu’il mette le sujet à l’ordre du jour ». Elle conclut par un avertissement : « Si nous ne sommes pas capables d’arrêter cette course vers le néant, les citoyens vont comprendre que l’Europe est totalement impuissante ».