RAILEmmanuel Macron a-t-il eu raison de vanter le modèle ferroviaire allemand?

SNCF: Emmanuel Macron a-t-il eu raison de vanter le modèle ferroviaire allemand?

RAILL’Allemagne a lancé sa réforme ferroviaire peu après la réunification…
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a défendu la réforme de la SNCF jeudi sur TF1.
  • Il a pris l'Allemagne comme modèle.
  • Certains de ses arguments restent difficiles à étayer.

Emmanuel Macron ne lâche rien sur la réforme de la SNCF. Interrogé jeudi au JT de TF1, le président a défendu un changement « indispensable », alors que les cheminots vont à nouveau faire grève vendredi et samedi contre le projet de l’exécutif. Sans critiquer directement le mouvement social, Emmanuel Macron a appelé les salariés de la SNCF à ne pas avoir « de craintes illégitimes ».

« Nous avons besoin d’un chemin de fer fort » a poursuivi le chef de l’État, qui s’est appuyé sur la réforme ferroviaire allemande pour vendre la sienne. « Cette réforme, les Allemands ont à peu près fait la même, a expliqué Emmanuel Macron. Regardez ce qu’il s’est passé avec le recul. Meilleur service, plus de gens qui prennent le train, et plus de petites lignes ». Toutes ces affirmations sont-elles vraies ? 20 Minutes a cherché a vérifié.

« Plus de gens qui prennent le train ».

Oui, mais. Si l’on compare l’évolution du transport de passagers sur les deux réseaux ferroviaires (voir graphique), l’Allemagne affiche effectivement une croissance plus rapide que la France sur les douze dernières années. A partir de 2010, l’écart entre les deux pays devient même de plus en plus important.

De quoi y voir un pur effet de la réforme ? Pour Léo Charles, maître de conférences en Economie à l’université Rennes-2, et membre des Économistes atterrés, l’écart s’explique surtout par les mauvais choix économiques des dirigeants politiques français. « Jusqu’à très récemment, la France a énormément investi sur les lignes à grande vitesse, mais a délaissé les petites lignes (TER, Intercités, Transiliens), affirme-t-il. En conséquence, les infrastructures se sont dégradées, les retards se sont accumulés, et les gouvernements successifs ont poussé les Français à se passer du train ».

« Plus de petites lignes »

Difficile à dire. En utilisant cet argument, Emmanuel Macron entend rassurer les Français qui ont besoin du train pour se déplacer dans des territoires parfois enclavés, et qui craignent que leurs lignes soient fermées faute de rentabilité.

« La réforme allemande a permis de baisser les coûts d’exploitation des lignes régionales, note Marc Ivaldi, professeur à la Toulouse School of Economics. Grâce à cela, les Allemands ont pu à nouveau exploiter des lignes qu’ils avaient fermées ». Reste que si quelques exemples ont été mis en avant, il est très difficile d’affirmer avec certitude que l’Allemagne compte, au global, plus de « petites lignes » depuis sa réforme de 1994.

« Meilleur service »

Flou. Le « service » est une notion très large lorsqu’on parle du rail. S’agit-il de la ponctualité des trains ? Du confort ? Du prix des billets ? Emmanuel Macron n’ayant pas précisé sa pensée sur ce point, impossible d’avoir une réponse définitive. Pour Léo Charles, la situation en Allemagne est loin d’être idyllique : « Sur les grandes lignes [où l’opérateur historique, la Deutsche Bahn (DB), est en quasi-monopole], un train sur quatre est en retard ».

En ce qui concerne le « confort » des trains, le spécialiste estime que la réforme ferroviaire, et notamment la transformation de la SNCF en société anonyme, est un faux argument. « En Allemagne, l’âge moyen du matériel roulant est de 17 ans [contre 30 ans en France]. Mais c’est parce que les pouvoirs publics ont investi massivement, appuie Léo Charles. Depuis la réforme de 1994, l’État fédéral allemand a dépensé plus de 100 milliards d’euros pour le secteur ferroviaire. Aucune entreprise privée ne voudrait faire un investissement aussi massif ».

Un avis qui n’est pas partagé par Marc Ivaldi : « La réforme ferroviaire allemande a eu le mérite d’assainir le système, affirme-t-il. Aujourd’hui, la DB est financièrement équilibrée, et s’endette très peu, beaucoup moins que la SNCF ».