SNCF: Combien de temps les grévistes vont-ils pouvoir tenir?
CAGNOTTE•Les soutiens financiers pour les cheminots se multiplient…Nicolas Raffin
L'essentiel
- La grève à la SNCF doit durer jusqu’à fin juin, avec deux jours de mobilisation sur cinq.
- Pour soutenir les grévistes, les caisses de grève et les cagnottes en ligne ont vu le jour.
- Le soutien financier reste modeste.
Aussitôt partie, aussitôt revenue. La grève à la SNCF redémarre samedi soir pour culminer dimanche et lundi. Si le niveau de mobilisation des cheminots n’est pas encore connu, la direction de l’entreprise a bien précisé que les jours de grève ne seraient pas payés. Or, le mouvement social est prévu pour s’étaler jusqu’à fin juin : une durée qui pourrait poser des difficultés financières aux cheminots grévistes.
Pour faire face, différentes initiatives ont vu le jour, sur le modèle des « caisses de grève ». Souvent tenues par les syndicats, elles permettent à leurs adhérents – et parfois aux non-syndiqués - d’obtenir une somme plus ou moins importante, pour compenser en partie la perte de salaire. Ainsi, la CFDT dispose depuis 1973 d’une « caisse nationale d’action syndicale » (CNAS), financée via les cotisations des adhérents. Son montant s’élève aujourd’hui à 126 millions d’euros.
« Le cheminot qui fait grève est toujours perdant financièrement »
« Nos adhérents sont indemnisés à partir du deuxième jour de grève, explique Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT Cheminots. Ils perçoivent environ 50 euros par jour dans ce cas-là ». Autre syndicat, autre méthode : Sud-Rail a lancé une cagnotte en ligne, à laquelle n’importe qui peut faire un don afin de soutenir les grévistes de la SNCF. Jeudi, elle atteignait les 25.000 euros.
Une autre cagnotte en ligne, lancée par le sociologue Jean-Marc Salmon, a dépassé les 300.000 euros. Début mai, elle sera entièrement redistribuée aux fédérations de cheminots. « Ils défendent un de nos biens communs, une entreprise de service public que le gouvernement cherche à transformer en société anonyme » écrivent les soutiens du projet, parmi lesquels des écrivains et des philosophes. Ils soulignant que « les journées de grève coûtent et que pour le succès de leurs revendications, il importe que le mouvement puisse durer ».
La somme atteinte par la cagnotte peut paraître impressionnante. Mais il faut la relativiser : si ces 300.000 euros étaient répartis entre 1.000 grévistes (moins de 1 % des effectifs de la SNCF, à comparer aux 30 à 35 % de grévistes recensés par la direction de l’entreprise en début de semaine), ces derniers ne seraient indemnisés que pendant six jours (à raison de 50 euros par jour) avant que la cagnotte ne soit à sec.
« Plus le gouvernement attendra, plus les gens vont se radicaliser »
« Le cheminot qui fait grève est toujours perdant financièrement, reconnaît David Dugué, membre du bureau confédéral de la CGT. Mais toutes les sommes récoltées, même les plus petites, permettent de montrer aux salariés mobilisés qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils sont soutenus. » La CGT a d’ailleurs lancé une « caisse de solidarité » pour rembourser les frais des adhérents liés à la grève (repas, déplacements, matériel, etc).
Une manière de dire que la caisse de grève joue aussi un rôle symbolique et pas seulement financier. Dans Le Parisien, un élu LREM estimait jeudi que les grévistes « ne pourront pas tenir [financièrement] plus de quinze jours ». « Le gouvernement doit se méfier, rétorque Didier Aubert. Pour avoir vécu la grève de 1995, je me souviens qu’après dix jours, les salariés de l’époque ne voulaient pas reprendre le travail avant d’avoir obtenu quelque chose. Ils estimaient que cela ne valait pas la peine de se sacrifier pour rien. » Conclusion du syndicaliste : « Plus le gouvernement attendra, plus les gens vont se radicaliser ».