Inégalités salariales hommes-femmes: Les mesures du gouvernement seront-elles efficaces?
SOCIAL•Le gouvernement veut résorber d'ici à trois ans l'écart salarial de 9% existant entre hommes et femmes à poste équivalent...Delphine Bancaud
L'essentiel
- Les entreprises de plus de 50 salariés devront se munir d’un logiciel pour permettre de repérer les écarts de salaires et les rattraper sur trois ans.
- Souci : il n’y aura pas plus d’inspecteurs du travail qu’aujourd’hui pour effectuer des contrôles.
- Et pour les PME de moins de 50 salariés, rien n’est prévu.
Et si cette fois c’était la bonne ? Le gouvernement a annoncé jeudi des mesures pour supprimer les écarts injustifiés de salaires entre les femmes et les hommes d’ici à trois ans. Soit l'écart de 9% existant entre les salarié(e) s à poste équivalent.
À partir de 2019, un logiciel sera déployé dans les entreprises de plus de 250 salariés, et dans celles de 50 à 249 d’ici 2020, pour détecter les écarts de salaires injustifiés. Les résultats obtenus devront être rendus public dans l’entreprise et les chiffres communiqués aux élus du personnel. Les entreprises auront trois ans pour résorber ces différences de salaires, sous peine d’écoper d’une pénalité financière à partir de 2022, qui pourrait aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. L’exécutif prévoit également le quadruplement des contrôles de l’inspection du travail sur l’égalité de salaires hommes-femmes, à effectif constant.
Des données plus objectives
Des mesures qui « vont dans le bon sens », selon le numéro un de la CGT, Philippe Martinez. Un avis partagé par Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle : « Aujourd’hui, il existe trop de disparité dans la mesure des écarts de salaires inexpliqués entre les hommes et les femmes. On ne peut pas s’en faire une idée claire. Avec ce nouveau dispositif, on va déterminer ces écarts avec le même logiciel. Ce sera plus objectif. Et cela aidera les entreprises à prendre conscience du problème et cela va leur donner une obligation de résultat », estime-t-elle.
Marie Donzel, consultante chez Alternego et experte de l’égalité femmes-hommes, juge aussi que cette mesure des différences de salaires par un logiciel sera plus efficace : « une récente étude américaine montrait que quatre hommes sur dix ne croyaient pas aux inégalités de salaires entre hommes et femmes. L’utilisation de ce logiciel les prouvera de manière indiscutable ». Mais les annonces du gouvernement n’ont pas été accueillies avec le même enthousiasme par le Medef qui a déploré le « triptyque infernal et tellement français du "contraintes, contrôles, sanctions" ».
Les inspections seront-elles assez nombreuses ?
Reste que le plan du gouvernement pour éradiquer les inégalités salariales pose des questions. La manière dont le logiciel de mesure des écarts de rémunération sera paramétré sera déterminante selon Brigitte Grésy : « Il faut faire attention que certains éléments n’échappent pas à l’analyse. Notamment concernant le déroulement de carrière », estime-t-elle. Il ne permettra pas de régler toutes les inégalités non plus, selon Marie Donzel : « Le gouvernement ne s’attaque pas au fait que les femmes n’accèdent pas à tous les métiers et sont confrontées à un plafond de verre ».
Philippe Martinez s’interroge lui sur la mise en œuvre des contrôles de l’inspection du travail sur l’égalité de salaires hommes-femmes : « Pour renforcer les contrôles, il faut plus de moyens humains », a-t-il déclaré ce jeudi sur LCP. Or, « malheureusement, il y a moins d’inspecteurs du travail », a-t-il poursuivi. Le gouvernement estime cependant que le travail effectué par le logiciel facilitera les contrôles sur place. Et quand on sait les effets produits par « la peur du gendarme », ce point semble crucial.
Quid des PME de moins de 50 salariés ?
La question du rattrapage de salaire en cas d’écart de rémunération constaté, interroge aussi : « le délai de trois ans qui sera laissé aux entreprises me semble long alors que l’on a déjà beaucoup perdu de temps sur le sujet », estime Marie Donzel. « D’un côté, ce délai permettra aux entreprises à la fois de procéder aux rattrapages de salaires, sans pour autant renoncer à augmenter d’autres salariés », commente de son côté Brigitte Grésy.
Par ailleurs, le plan du gouvernement pour réduire les écarts de salaires injustifiés semble laisser de côté les entreprises de moins de 50 salariés. « C’est vrai qu’elles représentent un nombre d’employeurs très important en France. Mais il faut espérer que les grandes entreprises influenceront les petites », déclare Brigitte Grésy.