Tarifs des péages: Les sociétés d'autoroute ont-elles tous les droits?
AUTOMOBILE•Le prix du ticket va encore augmenter…Nicolas Raffin
L'essentiel
- Le réseau autoroutier est en grande partie géré par des sociétés privées.
- Elles se rémunèrent via les péages dont elles fixent les tarifs chaque année.
- L’État a été critiqué de nombreuses fois pour son manque de vigilance sur ces tarifs.
Année après année, le niveau monte, inexorablement. Les tarifs des péages d’autoroutes augmentent ce jeudi, de 1,03 % à 2,04 % selon les réseaux. L’occasion pour les associations d’automobilistes de dénoncer une politique tarifaire jugée excessive : « C’est du délire, lance Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes. Bientôt, il sera plus rentable de faire Paris- Le Mans en taxi qu’avec sa voiture personnelle ! ».
Cette indignation est-elle justifiée ? En novembre, lorsque les nouveaux tarifs avaient été dévoilés, le ministère des Transports avait répondu aussitôt. « Il s’agit de l’application de l’inflation et des contrats conclus depuis plusieurs années entre l’État et les sociétés concessionnaires » avait expliqué un porte-parole.
Un contrôle de l’État
La plupart des autoroutes ont en effet été cédées à des sociétés privées en 2006. L’Etat a signé avec elles des « concessions », c’est-à-dire qu’il les laisse exploiter et entretenir le réseau pour une durée déterminée (entre 25 et 30 ans). En échange, les entreprises se rémunèrent via les péages versés par les automobilistes.
Chaque année – le 1er février donc – les sociétés concessionnaires ont le droit de réviser leurs tarifs. Mais pas n’importe comment : un arrêté de 1995 précise que le prix des péages doit tenir compte de l’inflation, mais aussi de « la structure du réseau, des charges d’exploitation et des charges financières de la société ».
À partir de ces éléments, les entreprises (Vinci Autoroutes, Sanef, etc) proposent une grille tarifaire : celle-ci est ensuite contrôlée par les services de l’État, et peut être rejetée si elle est jugée non-conforme au contrat. Autrement dit, l’État doit valider chaque année les augmentations de péage.
Fortes critiques
A priori, tout est sous contrôle. Le problème, c’est que plusieurs organismes estiment que l’État n’est pas forcément très regardant au moment de valider les tarifs. Et notamment la Cour des comptes. En 2013, elle publie un rapport très critique où elle affirme notamment que « le rapport de force apparaît plus favorable aux sociétés concessionnaires ». Pire, « l’Etat ne se montre pas assez exigeant en cas de non-respect de leurs obligations par les concessionnaires » selon les Sages. En 2014, l’Autorité de la concurrence juge que leur rentabilité (estimée entre 20 % et 24 %) « n’apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels [ils] sont exposés ».
En juin 2017, c’est au tour de l’Arafer (autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) de s’en mêler. Alors que les sociétés d’autoroutes avaient prévu d’augmenter leurs tarifs en contrepartie d’un grand plan d’investissement de 800 millions d’euros, l’Arafer a estimé que ces hausses « excèdent le juste niveau qu’il serait légitime de faire supporter aux usagers », et que de nombreux travaux prévus ne semblaient pas utiles. Depuis, le projet n’a pas été enterré, mais pourrait être revu à la baisse.
Le précédent de 2015
Pour Pierre Chasseray, tout cela démontre qu’il faut engager « un bras de fer » avec les sociétés d’autoroutes afin de stabiliser, voire de baisser les tarifs acquittés par les automobilistes. « L’Etat doit brandir la menace d’un non-renouvellement des concessions pour obtenir la renégociation des contrats », juge-t-il.
Emmanuel Macron montera-t-il au créneau ? En 2015, celui qui était alors ministre de l’Economie avait signé un accord avec les sociétés d’autoroutes, après avoir tenté en vain de geler les tarifs avec Ségolène Royal. En septembre dernier, France 2 avait mis la main sur le document : il accordait aux concessionnaires des compensations financières mais également une « stabilité fiscale ». Le « bras de fer » ne semble pas pour tout de suite.