Simplification des démarches administratives: En quoi va consister le nouveau «droit à l’erreur»?
REFORME•Le gouvernement dévoile ce lundi son projet de loi sur le «droit à l'erreur» visant à simplifier les démarches administratives…Petite révolution en vue dans les relations entre les citoyens et leur administration ? C’est en tout cas l’ambition (et la promesse) d’Emmanuel Macron. Avec son «projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance», dévoilé ce lundi, le gouvernement ne projette rien de moins qu’un « changement de philosophie dans les rapports avec l’administration ».
Le projet de loi « comporte une quarantaine d’articles qui seront présentés d’ici au printemps au Parlement », a indiqué au Journal du Dimanche, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. Il sera présenté en Conseil des ministres après avoir été enrichi à la demande du chef de l’Etat qui avait retoqué la précédente mouture fin juillet. Le texte a été repris par un conseiller d’Etat Thierry Tuot et une quinzaine de députés.
Avec cette nouvelle mouture, Bercy veut initier « une nouvelle conception de l’action publique pour remettre de la confiance dans les relations entre les Français et leurs administrations : la bonne foi doit profiter à l’usager et à l’entreprise ».
Ni amende, ni privation de droit
Le principe de la « bienveillance » de l’administration envers ses interlocuteurs promise par Gérald Darmanin doit se traduire ainsi : toute personne physique ou morale ayant involontairement méconnu, pour la première fois, une règle applicable à sa situation, ne subira ainsi plus ni amende ni privation de droit si elle rectifie son erreur, à son initiative ou quand l’administration le lui demande.
Le droit à l’erreur, dans le projet de loi, se décline de plusieurs manières :
- en matière fiscale, si une erreur de bonne foi dans le cadre d’un contrôle est détectée, les intérêts de retard seront réduits de 30 %. Si c’est l’usager qui rectifie son erreur de lui-même, les intérêts seront réduits de 50 %.
- du côté des entreprises, elles pourront demander à une administration de les contrôler pour s’assurer qu’elles sont en conformité. Les conclusions rendues seront ensuite opposables, à la manière d’un rescrit.
- l’inspection du Travail ne sanctionnera plus automatiquement l’entreprise qu’elle contrôle pour certaines infractions mais pourra donner un simple avertissement dès lors qu’il n’y a pas d’intention frauduleuse.
- la limitation de la durée de contrôle des PME à neuf mois sur une période de trois ans va être testée dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.
- la médiation dans les Urssaf, expérimentée en Ile-de-France, sera généralisée, permettant aux employeurs de régler rapidement des difficultés à l’amiable.
Extension du « rescrit »
Le rescrit, qui existe déjà en matière fiscale et permet d’interroger l’administration au sujet de sa situation et de se prévaloir ensuite des réponses de cette dernière, sera également étendu et simplifié, en particulier en ce qui concerne les douanes. Les autres domaines auxquels ce rescrit s’appliquera seront fixés par décret par le Conseil d’Etat.
« Avec ce texte, c’est l’administration qui devra prouver que l’usager a volontairement commis une faute et l’usager sera présumé innocent alors que jusqu’à maintenant, l’usager était présumé fraudeur. C’est un vrai changement de positionnement de l’Etat vis-à-vis du citoyen », a réagi ce lundi sur France Info Sylvain Moraillon. président de l’Association d’entraide des usagers de l’administration des services publics et privés (Adua).
Interrogé ce lundi par Europe 1, Jérôme Turot, avocat spécialisé en contentieux fiscal et membre du Cercle des fiscalistes estime toutefois que ce texte n’apporte rien de nouveau par rapport à la législation actuelle : « On parle du problème des pénalités, ce texte prévoit que lorsqu’un contribuable aura commis une erreur pour la première fois, l’administration ne pourra pas lui appliquer une pénalité, une majoration, sauf si elle démontre son absence de bonne foi. C’est un peu dur tout de même, c’est une sorte de permis à point avec un seul point : une fois que vous avez fait une erreur, c’est fini, vous n’y avez plus droit ».
Prudence du côté des entreprises
Des annonces accueillies prudemment du côté des entreprises, échaudées par les promesses passées.
« Si l’intention est louable c’est la mise en œuvre qui déterminera l’utilité de ce texte. Les différents chocs de simplification annoncés à coups de tambours et trompettes n’ont pas laissé un souvenir impérissable aux chefs d’entreprise », a réagi la Confédération des PME dans un communiqué.
Dans le JDD, Gérald Darmanin a annoncé l’instauration d’un comité de suivi qui se réunirait une fois par mois pour contrôler la mise en œuvre du texte.
« Nous allons mobiliser 1,5 milliard d’euros sur cinq ans pour former les agents publics à cette nouvelle posture de conseil et d’accompagnement car le changement doit entrer dans les textes mais surtout dans les têtes », a par ailleurs promis le ministre.