Moselle: Un camembert vegan français est né, mais il ne peut pas s'appeler fromage
INNOVATION•Un des tous premiers camemberts vegans français, réalisé à partir de purée de noix de cajou, de cultures et de ferments, est né cet automne en Moselle, mais il ne peut - officiellement - pas être nommé fromage...Bruno Poussard
L'essentiel
- En Moselle, une végétalienne en manque de fromage a décidé de concevoir un camembert à partir de produits végétaux.
- Quelques mois plus tard, elle s'est finalement lancée dans la commercialisation d'un camembert et d'un bleu lorrains vegans.
- Mais la dénomination de ces spécialités végétales ne peut pas être celle de fromage, définie par un décret.
EDIT: Un lecteur nous précise que le titre de premier camembert vegan français est aussi disputé par Tomm'Pousse, basé en région parisienne où il vend depuis peu localement, en attendant la fin d'une campagne de financement participatif.
Une pâte molle. Une croûte fleurie. Mais pas de lait. Plutôt de la purée de noix de cajou. Voilà un des premiers camemberts vegans de France, si ce n'est le premier (un titre disputé avec des Franciliens). Une spécialité née des expérimentations en cuisine d’une Mosellane de 28 ans. « J’en avais marre de ne plus manger de fromage », confie Anne Guth, végétalienne par conviction et contre la souffrance animale.
Après avoir découvert sur Internet et commandé ces camemberts vegans (souvent hors de prix) aux Etats-Unis ou en Italie, la jeune femme s’est lancée en famille au début de l’année. En tâtonnant avec des ferments de kefir de fruit, par exemple, mais pas toujours avec réussite. « Puis un jour où j’en ai trouvé un meilleur que tous ceux que j’avais goûtés ! », raconte-t-elle.
Si bien que moins d’un an plus tard, la voilà - avec son compagnon, embarqué dans l’aventure et devenu associé - à la tête d’une jeune entreprise, Les Petits Veganne, qui viennent de lancer fin octobre la commercialisation de deux fromages vegans. Et qui, déjà, s’apprête à embaucher pour faire face à une demande énorme, venue de Lorraine, de France et d’Europe.
La dénomination camembert autorisée, pas fromage
Reste que le mot « fromage » ne peut pas être officiellement utilisé pour parler du camembert et du bleu lorrains vegans. Selon un décret datant de 2007, « la dénomination fromage est réservée au produit (…) obtenu à partir des matières d’origine exclusivement laitière (…). » « Sur Internet ou sur Facebook, on parle donc de spécialités végétales », embraye Anne Guth.
Pas de problème en revanche concernant le terme camembert, tombé dans le domaine public en 1926. A condition de ne pas parler de « camembert de Normandie », dont l'appelation d'origine contrôlée (AOC) impose un strict cahier des charges et une production locale. De leur côté, les créateurs de Tomm'Pousse, qui ne vendent encore que localement autour de Nanterre en attendant la fin de leur crowdfunding, ont opté pour le nom «Camem'Vert».
Quant à elle, l’Association de défense et de gestion de cette AOC ne voit pas d’un mauvais œil l’arrivée de ces petits vegans, une offre « à considérer, parce qu’elle répond à une vraie demande sociétale », souligne-t-on auprès de 20 Minutes. « C’est une bonne chose, si les produits sont simples et naturels. », ajoute-t-on, assurant également ne pas y voir de concurrence
Avant un chèvre, un munster et une tomme végans ?
« Comme culture, j’utilise le même penicillium camemberti [un champignon à l’origine des croûtes fleuries] qui a donné son nom au camembert », précise Anne Guth. Et si certains ingrédients sont différents, la technique de production reste la même que celle d’un fromage classique : fermentation, affinage, vieillissement.
Leur petit site de Sarralbe pris d’assaut notamment par des végans et des intolérants au lait, Les Petits Veganne vont vite passer de 1.000 à 3.000 spécialités végétales produites par mois. Et cela, afin de tenter également de satisfaire les nombreuses sollicitations, dont une trentaine vient des magasins biologiques basés jusqu’à Bruxelles, Berlin ou Amsterdam.
Anne Guth et Yannick Fosse, voisins respectueux d’un producteur laitier, sont aussi bien partis pour créer un chèvre, un munster et une tomme, tous vegans, bien sûr. Et à des prix voulus « abordables » pour de tels produits : de 9,90 à 11,40 euros pour leurs premiers de fromages pesant entre 160 et 180 grammes.